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2 décembre 2011

Catéchèse à l'école de Marie (4)


Commentaire de la Vraie Dévotion de Montfort (60 – 89)

Saint Louis- Marie de Montfort donne lui-même l’introduction : « Ayant dit jusqu’ici quelque chose de la nécessité de la dévotion à la Très Sainte Vierge, il faut dire en quoi consiste cette dévotion ; ce que je ferai, Dieu aidant, après que j’aurai présupposé quelques vérités fondamentales qui donneront jour à cette grande en solide dévotion que je veux découvrir » (60).

Jésus-Christ

Permettez-moi de commencer avec une idée fausse : beaucoup pensent que, chez Montfort, Marie est le centre d’intérêt, c’est totalement faux. Il est formel : une dévotion qui ne conduit pas à Jésus-Christ comme objectif final est fausse et trompeuse. C’est une magnifique profession de foi en Jésus qui coule de sa plume. Cela vaut la peine de s’arrêter à chaque subdivision pour la faire sienne :

« Il est notre unique maître qui doit nous enseigner, notre unique Seigneur de qui nous devons dépendre, notre unique chef auquel nous devons être unis. Nous n’avons pas d’autre modèle auquel nous conformer, d’autre médecin qui puisse nous guérir, d’autre pasteur qui puisse nous nourrir. Il est notre unique chemin qui doit nous conduire, notre unique vérité que nous devons croire, notre unique vie qui doit nous fortifier, bref : notre unique tout en toutes choses qui doit nous suffire. Il n’a pas été donné d’autre nom sous le ciel, que le nom de Jésus, par lequel nous devions être sauvés. Dieu ne nous a pas mis d’autre fondement de notre salut, de notre perfection et de notre gloire que Jésus-Christ… »(61).

Et il conclut : « Si donc nous établissons la solide dévotion de la Très Sainte Vierge, ce n’est que pour établir plus parfaitement celle de Jésus-Christ. Nous ne visons rien d’autre que de donner un moyen aisé et assuré pour trouver Jésus-Christ » (62). Nous devons bien garder en tête ce point de départ si nous voulons comprendre la dévotion que notre auteur propose. C’est le premier pilier sur lequel il s’appuie.

Cependant , ce pilier ne se trouve pas ainsi dans le vide, détaché de tout. De manière prépondérante, il forme une partie du grand ‘édifice’, qu’est l’entreprise de Dieu en faveur des hommes. Marie forme ici un chainon qu’on peut pas supprimer sans mutiler le christianisme. De plus, Montfort indiquera plus loin que même chaque baptisé constitue un précieux chainon. À partir de cette compréhension, il parlera de la vraie dévotion, comme d’un vrai service de Dieu, service à Dieu.

L’ignorance à ce sujet l’a tellement impressionné qu’il perd de vue ses lecteurs et que – dans un émouvante prière à Jésus – il se plaint du fait que beaucoup de responsables de la catéchèse ignorent le ‘lien nécessaire’ qui existe entre Jésus et Marie. Il laisse parler son cœur et dit des choses qu’il aurait probablement formulées autrement en public, de manière moins vexante pour certains théologiens, mais elles sont écrites et n’importe qui peut les lire. Sa plainte couvre plusieurs pages. Pour ceux qui ont let livre, ce sont les numéros 63 à 67.

Tu as dit ‘oui’

Tu as dit ‘oui’ et à cause de cela tu appartiens à Jésus, et tu ne fais pas non plus simplement ce que tu veux. De tels propos paraissent sans doute, aujourd’hui plus qu’autrefois, assez révoltants : le libre arbitre est quand même une des plus hautes valeurs humaines !

Est-ce ainsi : parce que je suis chrétien, je ne fais plus ce que je veux ? La catéchèse passe trop facilement au-dessus de telles questions. Et pourtant, comme chrétien, tu choisis – et c’est ainsi pour tous nos choix, nous laissons tomber d’autres possibilités et nous ne faisons donc plus ce que nous voulons. Est-on conscient que, par le baptême – et par le renouvellement des promesses du baptême – nous faisons un choix libre, qu’il s’agit même d’une alliance, d’un ‘contrat’ qui nous engage vraiment ?

Pour rappel. Le baptême se trouve dans la ligne des vocations à travers toute la Bible, et sur ce point Dieu n’a pas changé – souligne Montfort. Pensant à beaucoup d’autres, Il en a choisi quelques-uns, et il continue toujours à agir ainsi. A ton baptême, il s’est tourné vers toi, mais il pensait en même temps à tous ceux que tu rencontrerais sur le chemin de ta vie, tous ceux que, grâce à toi, il pourra atteindre. Il te demande : veux-tu collaborer avec moi, veux-tu être le levain dans la pâte, le sel de la terre ? Par ton ‘oui’, il se passe quelque chose de merveilleux : Dieu s’unit à toi et toi à Lui. C’est la grâce du baptême. Cette union est à garder toute la vie et c’est ce que vise la dévotion que Montfort préconise : activer chaque jour la grâce du baptême.

Avec des images – puisées ci et là dans les évangiles – Montfort décrit la vocation du baptisé. Par son oui  il est devenu librement le collaborateur de Jésus-Christ. Ici, il cite à nouveau un passage que nous ne devons pas survoler trop vite : « …C’est pour la même raison que le Saint-Esprit nous compare à des arbres plantés le long des eaux de la grâce, dans le champs de l’Eglise, qui doivent donner leurs fruits en leur temps ; aux branches d’une vigne dont Jésus-Christ est le cep, qui doivent rapporter de bons raisins ; à un troupeau dont Jésus-Christ est le pasteur, qui doit se multiplier et donner du lait ; à une bonne terre dont Dieu est le laboureur et dans laquelle la semence se multiplie et rapporte trente, soixante ou cent pour un. Jésus-Christ a donné sa malédiction au figuier stérile et au serviteur inutile qui n’avait pas fait valoir son talent. Tout cela nous prouve que Jésus-Christ veut recevoir quelques fruits de nos chétives personnes : nos bonnes œuvres… »(68).

« Esclaves » ?

Dans ce contexte, Montfort aborde une question cruciale sur laquelle beaucoup trébuchent, jadis peut-être plus que maintenant : il parler d’un certain esclavage de manière positive. D’abord n’oublions pas qu’à l’époque de Montfort et de ses contemporains l’esclavage existait encore. Au temps où Montfort écrit, le port de Nantes (à l’ouest de la France où Montfort était actif) était connu pour son commerce de l’ébène, un euphémisme pour le trafic des esclaves africains.

Cependant, Montfort utilisait précisément le terme esclave pour désigner la dépendance chrétienne dans sa forme la plus profonde, un engagement volontaire et désintéressé. Il y consacre plusieurs pages (les numéros 69 – 73) et sort une série d’arguments philosophiques et bibliques. Ceux qui ont le texte sous les yeux peuvent eux-mêmes les étudier et les évaluer un par un. Je renvoie simplement à l’expérience et la sagesse humaines, à savoir l’amour entre deux personnes. Si elles se marient par intérêt ou avantages personnels, leur mariage n’a pas de base solide. Le véritable amour engendre dynamisme et donne une tout autre couleur aux obligations qui en découlent. L’expression « donnant-donnant » est rejetée à l’arrière-plan. Agissez de manière désintéressée envers Dieu comme Il agit de manière désintéressée envers vous. C’est aussi un thème important chez Paul qui d’ailleurs applique le terme esclave non pas seulement à lui-même mais aussi au Christ.

‘Appartenir’ à Marie ?

Comme je l’ai déjà dit ci- : Jésus-Christ est le seul pilier dans la construction de Dieu, mais ce pilier n’est pas dans le vide : Il est pour les hommes. Ceux-ci forment un deuxième pilier, comme Dieu l’a voulu. Entre les deux, il n’y a un lien devenu, depuis Abraham, une alliance. Grâce au oui plénier de Marie une alliance nouvelle et éternelle a été établie, réciproque.

Grâce à son oui nous pouvons nous-mêmes entrer dans cette alliance. Cela se produit par le baptême.  Par conséquent, nous pouvons aussi dire que son oui résonne encore et continue jusqu’à ce que le Corps du Christ atteigne sa pleine stature. La cause du Christ est la cause de Marie et vice-versa. Il n’y a pas de désaccord entre les deux. Le plus ardent désir de Marie c’est que nous soyons unis à son Fils. Vous pouvez être assurés, argumente Montfort, la dépendance envers Marie n’est rien d’autre que la dépendance envers le Christ. Et il n’hésite pas à poursuivre son raisonnement : être esclave de Jésus-Christ ou de Marie, cela revient au même, c’est un engagement volontaire pour la même œuvre.

Offerte par Dieu

Les troisième, quatrième et cinquième vérités que Montfort propose (les numéros 78 – 89) sont étroitement liées. Je résume : soyez honnête et ne vous surestimez pas vous-même, c’est ce qu’il laisse entendre. Sans une aide explicite de Marie, une vie orientée vers Dieu est possible mais soyez intelligent et implorez l’aide de celle que Jésus, avant de mourir nous a offerte : « voici ta mère. »

C’est un conseil d’or de prendre Marie dans notre vie, car – et j’emploie une expression déjà citée – «  si le Saint-Esprit peut enfoncer les racines de ses vertus dans notre âme , non seulement nous rencontrerons seulement le Christ tel qu’Il est, mais il entrera de plus en plus dans notre vie ; alors un être nouveau naîtra en nous. »

Avant d’aller plus loin sur la manière avec laquelle nous serons de plus en plus ouverts à l’action de l’Esprit Saint, Montfort indiquera en quoi cette dévotion diffère de tant d’autres dévotions mariales. C’est un chapitre important que nous aborderons la prochaine fois (90 – 118).

Frans Fabry

30 novembre 2011

Jésus-Christ - VD 61 - 62

Beaucoup pensent que, chez Montfort, Marie est le centre d'intérêt, c'est totalement faux. Il est formel: une dévotion qui ne conduit pas à Jésus-Christ comme objectif final est fausse et trompeuse. C'est une magnifique profession de foi en Jésus qui coulle de sa plume. Cela vaut la peine de s'arrêter à chaque subdivision pour la faire sienne.

Nous lisons dans 'La Vraie Dévotion' aux numéros 61 et 62: 

61. Première vérité. - Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu et vrai homme, doit être la fin dernière de toutes nos autres dévotions: autrement elles seraient fausses et trompeuses. Jésus-Christ est l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin de toutes choses. Nous ne travaillons, comme dit l'Apôtre, que pour rendre tout homme parfait en Jésus-Christ, parce que c'est en lui seul qu'habite[nt] toute la plénitude de la Divinité et toutes les autres plénitudes de grâces, de vertus et de perfections; parce que c'est en lui seul que nous avons été bénis de toute bénédiction spirituelle; parce qu'il est notre unique maître qui doit nous enseigner, notre unique Seigneur de qui nous devons dépendre, notre unique chef auquel nous devons être unis, notre unique modèle auquel nous devons nous conformer, notre unique pasteur qui doit nous nourrir, notre unique voie qui doit nous conduire, notre unique vérité que nous devons croire, notre unique vie qui doit nous vivifier, et notre unique tout en toutes choses qui doit nous suffire. Il n'a point été donné d'autre nom sous le ciel, que le nom de Jésus, par lequel nous devions être sauvés. Dieu ne nous a point mis d'autre fondement de notre salut, de notre perfection et de notre gloire, que Jésus-Christ: tout édifice qui n'est pas posé sur cette pierre ferme est fondé sur le sable mouvant et tombera infailliblement tôt ou tard. Tout fidèle qui n'est pas uni à lui comme une branche au cep de la vigne, tombera, séchera et ne sera propre qu'à être jeté au feu. Si nous sommes en Jésus-Christ et Jésus-Christ en nous, nous n'avons point de damnation à craindre: ni les anges des cieux, ni les hommes de la terre, ni les démons des enfers, ni aucune autre créature ne nous peut nuire, parce qu'elle ne nous peut séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus- Christ. Par Jésus-Christ, avec Jésus-Christ, en Jésus-Christ, nous pouvons toutes choses: rendre tout honneur et toute gloire au Père, en l'unité du Saint-Esprit; nous rendre parfaits et être à notre prochain une bonne odeur de vie éternelle.

62. Si donc nous établissons la solide dévotion de la Très Sainte Vierge, ce n'est que pour établir plus parfaitement celle de Jésus-Christ, ce n'est que pour donner un moyen aisé et assuré pour trouver Jésus-Christ. Si la dévotion à la Sainte Vierge éloignait de Jésus-Christ, il faudrait la rejeter comme une illusion du diable; mais tant s'en faut qu'au contraire, comme j'ai déjà fait voir et ferai voir encore ci-après: cette dévotion ne nous est nécessaire que pour trouver Jésus-Christ parfaitement et l'aimer tendrement et le servir fidèlement.

L'ignorance - VD 63 - 67

L'ignorance a tellement impressionné Montfort, qu'il perd de vue ses lecteurs et que - dans un émouvante prière à Jésus - il se plaint du fait que beaucoup de responsables de la catéchèse ignorent le 'lien nécessaire' qui existe entre Jésus et Marie. Il laisse parler son coeur et dit des choses qu'il aurait probablement formulées autrement en public, de manière moins vexante pour certains théologiens, mais elles sont écrites et n'emporte qui peut les lire. Sa plainte couvre plusieurs pages. 

Ci-dessous vous pouvez lire ces numéros 63 - 67 dans 'La Vraie Dévotion':


63. Je me tourne ici un moment vers vous, ô mon aimable Jésus, pour me plaidre amoureusement à votre divine Majesté de ce que la plupart des chrétiens, même des plus savants, ne savent pas la liaison nécessaire, qui est entre vous et votre sainte Mère. Vous êtes, Seigneur, toujours avec Marie, et Marie est toujours avec vous et ne peut être sans vous: autrement elle cesserait d'être de qu'elle est; elle est tellement transformée en vous par la grâce qu'elle ne vit plus, qu'elle n'est plus; c'est vous seul, mon Jésus, qui vivez et régnez en elle, plus parfaitement qu'en tous les anges et les bienheureux. Ah! si on connaissait la gloire et l'amour que vous recevez en cette admirable créature, on aurait de vous et d'elle bien d'autres sentiments qu'on n'a pas. Elle [vous] est si intimement liée, qu'on séparerait plutôt la lumière du soleil, la chaleur du feu; je dis plus, on séparerait plutôt tous les anges et les saints de vous, que la divine Marie: parce qu'elle vous aime plus ardemment et vous glorifie plus parfaitement que toutes vos autres créatures ensemble.

64. Après cela, mon aimable Maître, n'est-ce pas une chose étonnante et pitoyable de voir l'ignorance et les ténèbres de tous les hommes d'ici-bas à l'égard de votre sainte Mère? Je ne parle pas tant des idolâtres et païens, qui, ne vous connaissant pas, n'ont garde de la connaître; je ne parle même pas des hérétiques et des schismatiques, qui n'ont garde d'être dévôts à votre sainte Mère, s'étant séparés de vous et votre sainte Eglise; mais je parle des chrétiens catholiques, et même des docteurs parmi les catholiques, qui faisant profession d'enseigner aux autres les vérités, ne vous connaissent pas, ni votre sainte Mère, si ce n'est d'une manière spéculative, sèche, stérile et indifférente. Ces messieurs ne parlent que rarement de votre sainte Mère et de la dévotion qu'on lui doit avoir parce qu'ils craignent, disent-ils, qu'on en abuse, qu'on ne vous fasse injure en honorant trop votre sainte Mère. S'ils voient ou entendent quelque dévôt à la Sainte Vierge parler souvent de la dévotion à cette bonne Mère, d'une manière tendre, forte et persuasive, comme d'un moyen assuré sans illusion, d'un chemin court sans danger, d'une voie immaculée sans imperfections, et d'un secret merveilleux pour vous trouver et vous aimer parfaitement, ils se récrient contre lui, et lui donnent mille fausses raisons pour lui prouver qu'il ne faut pas tant parler de la Sainte Vierge, qu'il y a beaucoup d'abus en cette dévotion, et qu'il faut s'appliquer à les détruire, et à parler de vous plutôt qu'à porter les peuples à la dévotion à la Sainte Vierge qu'ils aiment déjà assez.
On les entend parfois parler de la dévotion à votre sainte Mère, non pas pour l'établir et la persuader, mais pour en détruire les abus qu'on en fait, tandis que ces messieurs sont sans piété et sans dévotion tendre pour vous, parce qu'ils n'en ont pas pour Marie, regardant le Rosaire, le Scapulaire, le Chapelet, comme des dévotions de femmelettes, propres aux ignorants, sans lesquels on peut se sauver; et s'il tombe en leurs mains quelque dévôt à la Sainte Vierge, qui récite son chapelet ou ait quelque autre pratique de dévotion envers elle, ils lui changeront bientôt l'esprit et le coeur: au lieu du chapelet, ils lui conseilleront de dire les sept psaumes; au lieu de la dévotion à la Sainte Vierge, ils lui conseilleront la dévotion à Jésus-Christ.
O mon aimable Jésus, ces gens ont-il votre esprit? Vous font-ils plaisir d'en agir de même? Est-ce vous plaire que de ne pas faire tous ses efforts pour plaire à votre Mère, de peur de vous déplaire? La dévotion à votre sainte Mère empêche-t-elle la vôtre? Est-ce qu'elle s'attribue l'honneur qu'on lui rend? Est-ce qu'elle fait bande à part? Est-elle une étrangère qui n'a aucune liaison avec vous? Est-ce se séparer ou s'éloigner de votre amour que de se donner à elle et de l'aimer?

65. Cependant, mon aimable Maître, la plupart des savants, pour punition de leur orgueil, n'éloigneraient pas plus de la dévotion à votre sainte Mère, et n'en donneraient pas plus d'indifférence, que si tout ce que je viens de dire était vrai. Gardez-moi, Seigneur, gardez-moi de leurs sentiments et leurs pratiques et me donnez quelque part aux sentiments de reconnaissance, d'estime, de respect et d'amour que vous avez à l'égard de votre sainte Mère, afin que je vous aime et glorifie d'autant plus que je vous imiterai et suivrai de plus près.

66. Comme si jusqu'ici je n'avais encore rien dit en l'honneur de votre sainte Mère, faites-moi la grâce de la louer dignement: Fac me digne tuam Matrem collaudare, malgré tous mes ennemis, qui sont les vôtres, et que je leur dise hautement avec les saints: Non praesumat aliquis Deum se habere propitium qui benedictam Matrem offensam habuerit: Que celui-là ne présume pas recevoir la miséricorde de Dieu, qui offense sa sainte Mère.

67. Pour obtenir de votre miséricorde une véritable dévotion à votre sainte Mère, et pour l'inspirer à toute la terre, faites que je vous aime ardemment, et recevez pour cela la prière embrasée que je vous fais avec saint Augustin et vos véritables amis (tom. 9, operum meditat.):
"Tu es Christus, pater meus sanctus, Deux meus pius, rex meus magnus, pastor meus bonus, magister meus unus, adjutor meus optimus, dilectus meus pulcherrimus, panis meus vivus, sacerdos meus in aeternum, dux meus ad patriam, lux mea vera, dulcedo mea sancta, via mea recta, sapientia mea praeclara, simplicitas mea pura, concordia mea pacifica, custodia mea tota, portio mea bona, salus mea sempiterna...
"Christe Jesu, amabilis Domine, cur amavi, quare concupivi in omni vita mea quidquam praeter te Jesum Deum meum? Ubi eram quando tecum mente non eram? Jam ex hoc nunc, omnia desideria mea, incalescite et effluite in Dominum Jesum; currite, satis hactenus tardastis; properate quo pergitis; quaerite quem quaeritis. Jesu, qui non amat te anathema sit; qui te non amat amaritudine repleatur... O dulcis Jesu, te amet, in te delectetur, te admiretur omnis sensus bonus tuae conveniens laudi. Deux cordis mei et pars mea, Christe Jesu, deficiat cor meum spiritu suo, et vivas tu in me, et concalescat in spiritu meo vivus carbo amoris tui, et excrescat in ignem perfectum; ardeat jugiter in ara cordis mei, ferveat in medullis meis, flagret in absconditis animae meae; in die consummationis meae consummatus inveniar apud te. Amen."
J'ai voulu mettre en latin cette admirable oraison de saint Augustin, afin que les personnes qui entendent le latin la disent tous les jours pour demander l'amour de Jésus que nous cherchons par la divine Marie.

Tu as dit 'oui' - VD 68

Avec des images -puisées ci et là dans les évangiles - Montfort décrit la vocation du baptisé. Par son oui il est devenu librement le collaborateur de Jésus-Christ. Ici, il cite à nouveau un passage que nous ne devons pas survoler trop vite.
Nous lisons au numéro 68 dans 'La Vraie Dévotion':

"... C'est pour la même raison que le Saint-Esprit nous compare à des arbres plantés le long des eaux de la grâce, dans le champ de l'Eglise, qui doivent donner leurs fruits en leur temps; aux branches d'une vigne dont Jésus-Christ est le cep, qui doivent rapporter de bons raisins; à un troupeau dont Jésus-Christ est le pasteur, qui doit se multiplier et donner du lait; à une bonne terre dont Dieu est le laboureur et dans laquelle la semence se multiplie et rapporte trente, soixante ou cent pour un. Jésus-Christ a donné sa malédiction au figuier stérile et au serviteur inutile qui n'avait pas fait valoir son talent. Tout cela nous prouve que Jésus-Christ veut recevoir quelques fruits de nos chétives personnes: nos bonnes oeuvres..." 


"Esclaves"? - VD 69 - 73

Montfort aborde une question cruciale sur laquelle beaucoup trébuchent, jadis peut-être plus que maintenant: il parle d'un certain esclavage de manière positive. D'abord, n'oublions pas qu'à l'époque de Montfort et de ses contemporains l'esclavage existait encore. Au temps où Montfort écrit, le port de Nantes (à l'ouest de la France où Montfort était actif) était connu pour son commerce de l'ébène, un euphémisme pour le trafic des esclaves africains.

Montfort y consacre plusieurs pages et nous lisons ci-dessous les numéros 69 - 73:


69. Il y a deux manières ici-bas d'appartenir à un autre et de dépendre de son autorité, savoir: la simple servitude et l'esclavage; ce qui fait que nous appelons un serviteur et un esclave.
Par la servitude commune parmi les chrétiens, un homme s'engage à en servir un autre pendant un certain temps, moyennant un certain gage ou une telle récompense.
Par l'esclavage, un homme est entièrement dépendant d'un autre pour toute sa vie, et doit servir son maître, sans en prétendre aucun gage ni récompense comme une de ses bêtes sur laquelle il a droit de vie et de mort.

70. Il y a trois sortes d'esclavages: un esclavage de nature, un esclavage de contrainte et un esclavage de volonté. Toutes les créatures sont esclaves de Dieu en la première manière: Domini est terra et plenitudo ejus; les démons et les damnés en la seconde; les justes et les saints le sont en la troisième. L'esclavage de volonté est le plus parfait et le plus glorieux à Dieu, qui regarde le coeur, et qui demande le coeur, et qui s'appelle le Dieu du coeur, ou de la volonté amoureuse, parce que, par cet esclavage, on fait choix, par- dessus toutes choses, de Dieu et de son service, quand même la nature n'y obligerait pas.

71. Il y a une totale différence entre un serviteur et un esclave:
1º Un serviteur ne donne pas tout ce qu'il est et tout ce qu'il possède et tout ce qu'il peut acquérir par autrui ou par soi-même, à son maître; mais l'esclave se donne tout entier, tout ce qu'il possède et tout ce qu'il peut acquérir, à son maître, sans aucune exception.
2º Le serviteur exige des gages pour les services qu'il rend à son maître, mais l'esclave n'en peut rien exiger, quelque assiduité, quelque industrie, quelque force qu'il ait à travailler.
3º Le serviteur peut quitter son maître quand il voudra, ou du moins quand le temps de son service sera expiré; mais l'esclave n'est pas en droit de quitter son maître quand il voudra.
4º Le maítre du serviteur n'a sur lui aucun droit de vie et de mort, en sorte que s'il le tuait, comme une de ses bêtes de charge, il commettrait un homicide injuste; mais le maître de l'esclave a, par les lois, droit de vie et de mort sur lui, en sorte qu'il peut le vendre à qui il voudra, ou le tuer, comme, sans comparaison, il ferait [de] son cheval.
5º Enfin, le serviteur n'est que pour un temps au service d'un maître, et l'esclave pour toujours.

72. Il n'y a rien parmi les hommes qui nous fasse plus appartenir à un autre que l'esclavage; il n'y a rien aussi parmi les chrétiens qui nous fasse plus absolument appartenir à Jésus-Christ et à sa sainte Mère que l'esclavage de volonté, selon l'exemple de Jésus-Christ même, qui a pris la forme d'esclave pour notre amour: Formam servi accipiens, et de la Sainte Vierge, qui s'est dite la servante et l'esclave du Seigneur. L'Apôtre s'appelle par honneur servus Christi. Les chrétiens sont appelés plusieurs fois dans l'Ecriture sainte servi Christi; lequel mot de servus, selon la remarque véritable qu'a faite un grand homme, ne signifiait autrefois qu'un esclave, parce qu'il n'y avait point encore de serviteurs comme ceux d'aujourd'hui, les maîtres n'étant servi que par des esclaves ou affranchis: ce que le Catéchisme du saint Concile de Trente, pour ne laisser aucun doute que nous soyons esclaves de Jésus-Christ, exprime par un terme qui n'est point équivoque, en nous appelant mancipia Christi: esclave de Jésus-Christ. Cela posé:

73. Je dis que nous devons être à Jésus-Christ et le servir, non seulement comme des serviteurs mercenaires, mais comme des esclaves amoureux, qui par un effet d'un grand amour, se donnent et se livrent à le servir en qualité d'esclaves, pour l'honneur seul de lui appartenir. Avant le baptême, nous étions esclaves du diable; le baptême nous a rendus esclaves de Jésus-Christ: ou il faut que les chrétiens soient esclaves du diable, ou esclaves de Jésus-Christ.

'Appartenir' à Marie?

Comme je l'ai déjà dit ci-: Jésus-Christ est le seul pilier dans la construction de Dieu, mais ce pilier n'est pas dans le vide: Il est pour les hommes. Ceux-ci forment un deuxième pilier, comme Dieu l'a voulu. Entre les deux, il n'y a un lien devenu, depuis Abraham, une alliance. Grâce au oui plénier de Marie une alliance nouvelle et éternelle a été établie, réciproque.

Grâce à son oui nous pouvons nous-mêmes entrer dans cette alliance. Cela se produit par le baptême. Par conséquent, nous pouvons aussi dire que son oui résonne encore et continue jusqu'à ce que le Corps du Christ atteigne sa pleine stature. La cause du Christ est la cause de Marie et vice-versa. Il n'y a pas de désaccord entre les deux. Le plus ardent désir de Marie c'est que nous soyons unis à son Fils. Vous pouvez être assurés, argumente Montfort, la dépendance envers Marie n'est rien d'autre que la dépendance envers le Christ. Et il n'hésite pas à poursuivre son raisonnement: être esclave de Jésus-Christ ou de Marie, cela revient au même, c'est un engagement volontaire pour la même oeuvre.

Offerte par Dieu - VD 78 - 89

Les troisième, quatrième et cinquième vérités que Montfort propose (les numéros 78 - 89) sont étroitement liées. Je résume: soyez honnête et ne vous surestimez pas vous-même, c'est ce qu'il laisse entendre. Sans une aide explicite de Marie, une vie orientée vers Dieu est possible mais soyez intelligent et implorez l'aide de celle que Jésus, avant de mourir nous a offerte: "voici ta mère."

C'est un conseil d'or de prendre Marie dans notre vie, car si le Saint-Esprit peut enfoncer les racines de ses vertus dans notre âme, non seulement nous rencontrerons seulement le Christ tel qu'Il est, mais il entrera de plus en plus dans notre vie; alors un être nouveau naîtra en nous."

1 novembre 2011

Catéchèse à l'école de Marie (3)

Commentaire sur 'La Vraie Dévotion'  de Montfort (49 - 59)

Supposez que vous aimez quelqu’un et que vous lui offrez quelque chose de beau, mais que votre cadeau ne soit pas accepté, qu’en advient-il de votre don? Aux yeux du donateur, un triste souvenir, auprès de celui à qui il était destiné, le geste disparaît dans la poubelle de sa mémoire. Ce n’est vraiment que lorsqu’un cadeau est accepté qu’il obtient sa pleine valeur: quelque chose se passe alors entre le donateur et  le bénéficiaire, un lien s’établit ou se renforce.

Traverser le fossé

Il s’agit là d’un langage imagé mais il peut aider les gens à comprendre la manière d’agir de Dieu envers les hommes: il s’agit d’une proposition, bien plus, d’une alliance. Mais ce qui est spécial ici, c’est que les deux parties sont totalement différentes. Entre elles, il y a un fossé infranchissable: le premier est invisible et n’a ni pieds ni mains, l’autre est fait de chair et de sang. Comment peuvent-ils se donner la main, conclure une alliance et la réaliser? Seul un homme-Dieu serait en mesure de le faire. Et c’est ce qui est arrivé avec Jésus-Christ.  L’auteur de la lettre aux Hébreux met dans sa bouche cette prière pleine de signification: “Tu n’as voulu ni offrande ni sacrifice mais tu m’as façonné un corps. Tu ne demandais ni holocaustes ni victimes alors j’ai dit: 'Voici, je viens…' (Heb 10, 5-7). Ce même Jésus a ouvert, en franchissant le fossé, un chemin vers le Père. Une nouvelle et éternelle alliance est établie et sa mise en œuvre peut se poursuivre.

Venir sans cesse vers les hommes

Il est faux de penser qu’avec la mort et la résurrection de Jésus, l’œuvre est terminée, même si alors une orientation définitive lui est donnée. Le chemin vers un ciel nouveau et une terre nouvelle est alors ouvert, mais le chemin doit encore être parcouru. En vérité, pour le faire, personne ne peut compter sur ses propres forces. Montfort le répètera plus d’une fois, Jésus-Christ est et restera toujours le sauveur. Comment? De la même manière que la première fois, répond Montfort, à savoir en venant sans cesse vers les hommes. Réfléchissons avec lui.

“C’est par Marie que le salut du monde a commencé et c’est par Marie qu’il doit être consommé ” (VD 49), dit notre auteur. Peut-elle, du haut du ciel, contribuer ici sur terre à l’achèvement de l’œuvre commencée par Jésus? Souvenez-vous des paroles que Montfort a choisies pour expliquer la mission qu’elle a reçue de Dieu. “Demeure près des hommes, mes élus, mes amis.” Comme une bonne mère, tu dois prendre soin d’eux. Comme tu étais présente au Cénacle parmi les disciples en prière, jette, encore aujourd’hui, les racines de tes vertus dans les ‘amis de Dieu’. Ainsi, de nos jours, le fossé pourra être franchi et Jésus pourra encore et toujours s’incarner chez les hommes.

Inimitié et ‘bonne nouvelle’

“Comment voulez-vous que je me taise? ”, s’exclame Montfort ayant acquis une bonne compréhension de ce mystère. Depuis lors, il est devenu un missionnaire infatigable. Beaucoup sont ignorants, ne sont pas conscients de l’alliance que Dieu a conclue avec eux et n’accueillent pas l’offre que Dieu leur fait, c’est pourquoi Dieu ne peut pas agir efficacement dans le monde, conclut-il. Il faut donner à  Dieu toute la place, en commençant par soi-même.

Le mal n’est pas moins attirant que le bien, écrivit un jour saint Bède. En effet, si on s’y arrête, on constate qu’il existe souvent un combat entre le bien et le mal. Déjà le premier livre de la bible en parle. Montfort renvoie à ce passage de Genèse 3,15 où, après la chute, le Seigneur s’adresse au séducteur, le serpent: “Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon” (VD 51). Montfort note que la phrase fait allusion à une hostilité permanente, car il s’agit d’un combat entre le lignage de la femme et celui du tentateur, une inimitié irréconciliable, qui durera, voire augmentera jusqu’à la fin du monde.

Une grande inimitié est donc annoncée et en même temps, une victoire. C’est caractéristique dans la bible: une ‘bonne nouvelle’ est promise, une prophétie qui trouvera son accomplissement en Jésus Christ, le Sauveur. La discorde entre le serpent et la femme annoncée dans le premier livre de la bible, se trouve à nouveau dans le dernier livre, l’Apocalypse. Jean y décrit la lutte radicale entre la Femme et le Dragon. J’écris le mot Femme avec une majuscule, désignant aussi bien Marie que l’Église, le Dragon étant le Démon, l’adversaire. Entre la Genèse et l’Apocalypse se situe l’axe autour duquel tourne l’histoire de la chute et du rachat de l’homme par le Christ.

Le temps où nous vivons

Montfort se sert d’un style apocalyptique, caractérisé par un langage fort imagé et riche en symboles. Il décrit la lutte violente entre les amis du démon et les ‘amis de Dieu’. Marie entre en scène: “L’humble Marie aura toujours la victoire sur cet orgueilleux, et si grande qu’elle ira jusqu’à lui écraser la tête où réside son orgueil ; elle découvrira toujours sa malice de serpent ; elle éventera ses mines infernales, elle dissipera ses conseils diaboliques et garantira  jusqu’à la fin des temps ses fidèles serviteurs de sa patte cruelle...” (VD 54).

Le livre de l’Apocalypse est souvent compris comme l’annonce d’une catastrophe fatale, la fin du monde. C’est tout à fait faux. Jean donne aux croyants un encouragement très fort. C‘est un écrit de circonstance à un moment où les chrétiens, sous l’empereur Domitien, eurent à subir les pires persécutions et Jean affirme avec force: ce n’est pas la fin. Le Christ  nous aidera à traverser cette période difficile, il y aura sûrement des victimes, mais finalement le Christ vaincra.
Remarquez la double dimension du temps: aujourd’hui la période difficile et la lointaine perspective de la victoire finale. Dans l’extrait de la Vraie Dévotion que nous lisons ici, nous trouvons également cette double dimension. L’expression ‘les derniers temps’ se réfère simultanément à la période commencée avec la mort et la résurrection du Christ et à celle de l’instauration finale d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, donc aussi bien le temps où nous vivons actuellement et celui qui doit encore arriver.

Dans ce temps-ci, Marie et sa descendance (les ‘amis de Dieu’) ont une tâche spécifique: “Dieu veut que sa sainte Mère soit à présent plus connue, plus aimée, plus honorée que jamais elle n’a été: ce qui arrivera sans doute si les prédestinés (‘les amis de Dieu’) entrent, avec la grâce et la lumière du Saint-Esprit, dans la pratique intérieure et parfaite que je leur découvrirai par la suite… Ils éprouveront ses douceurs et ses bontés maternelles… ils connaîtront les miséricordes dont elle est pleine … Ils sauront qu’elle est le moyen le plus assuré, le plus aisé, le plus court et le plus parfait pour aller à Jésus-Christ et ils se livreront à elle.” (VD 55).

Collés intimement à Dieu

Toujours dans un langage apocalyptique, Montfort décrit à quoi ressembleront ceux qui se donnent entièrement à Marie: ils seront des hommes nouveaux. Ils seront transformés tout comme les apôtres craintifs au Cénacle qui, d’hommes angoissés sont devenus de courageux annonciateurs. Notez les comparaisons fortes et parfois provocantes puisées dans la bible.

“Ils seront un feu brûlant : comme serviteurs du Seigneur, ils allumeront partout le feu de l’amour divin ; ils seront des flèches acérées dans la main puissante de Marie pour percer ses ennemis. Ils seront des fils  de Lévi, bien purifiés par le feu de grandes tribulations et ‘intimement collés’ à Dieu, qui porteront l’or de l’amour dans le cœur, l’encens de l’oraison dans l’esprit et la myrrhe de la mortification dans le corps… Ils seront partout la ‘bonne odeur’ de Jésus Christ pour les pauvres et les petits… des nuées tonnantes et volantes par les airs au moindre souffle du Saint-Esprit… Ils seront de véritables apôtres des derniers temps… en un mot, de vrais disciples de Jésus Christ...” (VD 56-59).

Juste pour des génies?

En raison de sa manière de parler, on pourrait croire que Montfort n’a plus les pieds sur terre. En fait, comme missionnaire itinérant, il s’adresse au peuple tel qu’il est, aux intellectuels aussi bien qu’aux petites gens dont il a réussi à s’attirer la confiance. Il a montré un chemin que lui-même a parcouru et les gens l’ont remarqué. À ses yeux, c’est une erreur de se contenter d’une vie médiocre et d’une religiosité superficielle.

En lien avec la sainteté, je cite ici Jean-Paul II qui, après les célébrations du Grand Jubilé, exprime son regard sur l’avenir: “Demander à un catéchumène : ‘Veux-tu recevoir le baptême ?’ signifie lui demander en même temps : ‘Veux-tu devenir saint ?’ Cela veut dire mettre sur sa route le caractère radical du discours sur la Montagne… Comme le Concile lui-même l’a expliqué, il ne faut pas se méprendre sur cet idéal de perfection, comme s’il supposait une sorte de vie extraordinaire que seuls quelques ‘génies’ de la sainteté pourraient pratiquer. Les voies de la sainteté sont multiples et adaptées à la vocation de chacun. Je remercie le Seigneur qui m’a permis de béatifier et canoniser ces dernières années de nombreux chrétiens et parmi eux beaucoup de laïcs qui se sont sanctifiés dans les conditions les plus ordinaires de la vie. Il est temps de proposer de nouveau à tous, avec conviction, ce haut degré de la vie chrétienne ordinaire…” (NMI 31). 

Pour cette vie quotidienne ordinaire, Montfort indique un chemin qui conduit à la sainteté, pas une sainteté qui nous fait garder la tête inclinée et les mains jointes; au contraire, il s’agit d’une manière de vivre en union avec Marie qui nous conduit à l’âge adulte, le cœur et les mains levés vers Dieu et vers les hommes. Il dira que c’est un chemin facile, court, parfait et assuré. Avant de l’expliquer, il nous montrera cinq piliers, des fondations sur lesquelles ce chemin s’appuie. Nous en parlerons la prochaine fois.

Frans Fabry

Inimitié et 'bonne nouvelle'


Voici quelques extraits du livre de l'Apocalyps.
Nous lisons avec vous au chapitre 12:
12 Un grand signe parut dans le ciel: une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, étant en travail et dans les douleurs de l`enfantement. Un autre signe parut encore dans le ciel; et voici, c`était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu`elle aurait enfanté. Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la femme s`enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin qu`elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours. 



Ici nous lisons avec vous au chapitre 21:
21 Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n`était plus. Et je vis descendre du ciel, d`auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s`est parée pour son époux. Et j`entendis du trône une forte voix qui disait: Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n`y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. Et celui qui était assis sur le trône dit: Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit: Écris; car ces paroles sont certaines et véritables.

Collés intimement à Dieu


VD 56 - VD 57 - VD 58 - VD 59


Le Père de Montfort décrit à quoi ressembleront ceux qui se donnent entièrement à Marie: ils seront des hommes nouveaux.
Nous lisons avec vous quelques extraits dans la Vraie Dévotion:

56. Mais qui seront ces serviteurs, esclaves et enfants de Marie?
Ce seront un feu brûlant, ministres du Seigneur qui mettront le feu de l'amour divin partout.
Ce seront sicut sagittae in manu potentis, des flèches aiguës dans la main de la puissante Marie pour percer ses ennemis.
Ce seront des enfants de Lévi, bien purifiés par le feu de grandes tribulations et bien collés à Dieu, qui porteront l'or de l'amour divin dans le coeur, l'encens de l'oraison dans l'esprit et la myrrhe de la mortification dans le corps, et qui seront partout la bonne odeur de Jésus-Christ aux pauvres et aux petis, tandis qu'ils seront une odeur de mort aux grands, aux riches et orgueilleux mondains.

57. Ce seront des nues tonnantes et volantes par les airs au moindre souffle du Saint-Esprit, qui, sans s'attacher à rien, ni s'étonner de rien, ni se mettre en peine de rien, répandront la pluie de la parole de Dieu et de la vie éternelle; ils tonneront contre le péché, ils gronderont contre le monde, ils frapperont le diable et ses suppôts, et ils perceront d'outre en outre, pour la vie ou pour la mort, avec leur glaive à deux tranchants de la parole de Dieu, tous ceux auquels ils seront envoyés de la part du Très-Haut.

58. Ce seront des apôtres véritables des derniers temps, à qui le Seigneur des vertus donnera la parole et la force pour opérer des merveilles et remporter des dépouilles glorieuses sur ses ennemis; ils dormiront sans or ni argent et, qui plus est, sans soin, au milieu des autres prêtres, et écclésiastiques et clercs, inter medios cleros; et cependant auront les ailes argentées de la colombe, pour aller avec la pure intention de la gloire de Dieu et du salut des âmes, où le Saint-Esprit les appellera, et ils ne laisseront après eux, dans les lieux où ils auront prêché, que l'or de la charité qui est l'accomplissement de toute la loi.

59. Enfin, nous savons que ce seront de vrais disciples de Jésus-Christ, qui marchant sur les traces de sa pauvreté, humilité, mépris du monde et charité, enseignant la voie étroite de Dieu dans la pure vérité, selon le saint Evangile, et non selon les maximes du monde, sans se mettre en peine ni faire acception de personne, sans épargner, écouter ni craindre aucun mortel, quelque puissant qu'ils soit. Ils auront dans leur bouche le glaive à deux tranchants de la parole de Dieu; ils porteront sur leurs épaules l'étendard ensanglanté de la Croix, le crucifix dans la main droite, le chapelet dans la gauche, les sacrés noms de Jésus et de Marie sur leur coeur, et la modestie et mortification de Jésus- Christ dans toute leur conduite.
Voilà de grands hommes qui viendront, mais que Marie fera par ordre du Très-Haut, pour étendre son empire sur celui des impies, idolâtres et mahométans. Mais quand et comment cela sera-t-il?... Dieu seul le sait: c'est à nous de nous taire, de prier, soupirer et attendre: Expectans expectavi.

18 octobre 2011

Catéchèse à l'école de Marie (2)

Commentaire sur 'La Vraie Dévotion' de Montfort  (14 - 46)

Dieu à l’œuvre
Dans l’introduction de cette série, nous avons établi comment Montfort commence par attirer l’attention sur la façon étonnante avec laquelle Dieu est venu vers les hommes, à savoir par Marie. Que pouvons-nous en apprendre? Qu’a-t-elle à faire avec nous?

"Sortie des mains du Très-Haut"
Montfort affirme que Marie est cent pour cent une créature, totalement humaine comme vous et moi. Il emploie pour cela une expression qui se trouve plus d’une fois dans la bible et qui, chez Jérémie, compare Dieu à un potier: sortie des mains du Très-Haut (VD 14). Quand le potier n’est pas content de son œuvre, il la brise et recommence jusqu’à ce qu’il ait un vase qui lui plaise (Jr 18,4). Ainsi Marie est-elle issue des mains du Très-Haut, dans le but qu’il avait, à savoir réaliser un ciel nouveau et une terre nouvelle pour tous les hommes.

La création
Les 72 livres de la bible constituent un ensemble unique et retracent le grand récit de la création avec, en apothéose, la mort et la résurrection de Jésus et son retour au ciel. A partir de ce regard, Paul appelle le Seigneur ressuscité "le Premier-né de toute créature" (Col 1, 15).

Le Pape Benoît XVI − dans son encyclique sur la Parole de Dieu − réfère à un grand processus qui a au lieu: “La révélation biblique est profondément enracinée dans l’histoire. Le plan de Dieu est progressivement devenu visible et s’est réalisé lentement, en phases successives, souvent malgré et à travers l’opposition des hommes. Dieu choisit un peuple et l’éduque avec patience. »

« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils, né d’un femme », c’est ainsi que St Paul, dans sa lettre aux Galates (Ga 4, 4) décrit le moment décisif de l’entrée de Jésus dans l’histoire.  La ‘descente’ de Jésus et son ‘élévation’ vers le Père est un événement irréversible dans l’œuvre créatrice de Dieu et Montfort indique la place que Marie y tient: “Je dis cependant que les choses étant supposées comme elles sont, Dieu ayant voulu commencer et achever ses plus grands ouvrages par la Très Sainte Vierge depuis qu’il l’a formée, il est à croire qu’il ne changera pas de conduite dans les siècles des siècles, car il est Dieu et ne change point en ses sentiments ni en sa conduite” (VD 15). 

Pour exprimer la ‘descente’ de Jésus, Montfort utilise des mots qui renvoient directement au récit de la création: “ Dieu le Fils est descendu dans son sein virginal comme le nouvel Adam dans son paradis terrestre…” (VD 18). Il s’agit clairement de la nouvelle création. Notre auteur entre plus avant dans cet événement et exprime son admiration: “ O admirable et incompréhensible dépendance d’un Dieu ”, et il pointe déjà une de ses réflexions: si Jésus s’est fait si dépendant de Marie, pourquoi devrions-nous nous craindre de dépendre d’elle?

Marie et l’Église
Pour exprimer plus clairement le lien intime qui existe entre Jésus Christ et les baptisés, saint Paul emploie l’image du corps: il s’agit d’un seul corps dont Jésus est la tête et les baptisés sont les membres (1 Co 12, 12-30). Sur cet arrière-fond, Montfort explique le lien entre Marie et les baptisés, l’Église: “Avec Marie et en elle, le Saint-Esprit a produit son chef-d’œuvre qui est un Dieu fait homme. De la même manière, il produit tous les jours, jusqu’à la fin du monde… les membres du corps de ce chef adorable” (VD 20). Montfort développera de plus en plus cette donnée.

Disons quelques mots sur l’actualité de la pensée de Montfort. Il ne possédait bien sûr pas, au 18e siècle, les traductions actuelles de la bible et ne connaissait pas les techniques modernes de l’exégèse, mais ses conclusions sont exactes. Ainsi nous constatons que Vatican II n’a pas contredit ses intuitions quant à la place de Marie et son action efficace envers les croyants mais qu’il les a approfondies. On sait que les évêques belges, avec leurs théologiens, ont apporté une importante contribution à la rédaction des grands documents conciliaires. Quand on demandait au professeur Philips, rédacteur du texte sur Marie, s’il avait alors les écrits de Montfort sous la main, il répondait: je ne les avais pas matériellement sur mon bureau mais je les portais dans mon cœur. En 2003, Jean-Paul II a écrit une lettre spécialement à la Famille montfortaine. Il y souligne le lien étroit entre les intuitions de Montfort et le document conciliaire Lumen Gentium, et demande de maintenir vivante chez les chrétiens la confiance dans les soins maternels de Marie.

Jadis, par respect pour elle, on plaçait volontiers Marie dans les hauteurs du ciel. On soulignait ainsi la différence entre elle et le monde pécheur. C’était comme si sa place était davantage près Dieu que près des hommes. Grâce à une relecture attentive des données bibliques, Vatican II l’a placée au milieu du peuple de Dieu: elle n’est pas seulement un membre éminent de l’Église, mais elle chemine aussi avec les hommes en route vers le ciel nouveau et la terre nouvelle. “Son amour maternel la rend attentive aux frères et sœurs de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse” (LG 62).

Le terme ‘prédestinés’
De la même manière, Montfort place Marie dans le peuple de Dieu, l’Église vivante. Pour l’exprimer, il se rattache au remarquable livre biblique de l’Ecclésiastique, appelé aujourd’hui  Livre de Ben Sira, un écrivain juif du deuxième siècle avant Jésus Christ. Il voulait encourager ses coreligionnaires et il en avait toutes les raisons. En effet, le peuple juif était menacé de ne plus survivre. Pas seulement parce que le pays était occupé depuis longtemps par les Syriens, mais surtout parce que le nouveau roi avait érigé sur l’esplanade du temple à Jérusalem une grande statue en l’honneur de Zeus et empêchait tout autre culte. C’était, pour le petit reste des croyants, comme si l’œuvre de Dieu avec le peuple juif allait définitivement vers sa fin. L’auteur continue cependant à croire que Dieu poursuivra l’œuvre qu’il a commencée et que, comme autrefois, il continuera à s’appuyer sur quelques-uns. Il reprend pour cela le terme ‘peuple élu’ et l’appelle tantôt ‘Jacob’, tantôt ‘Israël’.

Pour expliquer le rôle de Marie au milieu de ces pauvres ‘élus’ de Dieu, Montfort puise quelques phrases du livre de l’Ecclésiastique. Je traduis le terme ‘prédestinés’ par l’expression très significative ‘mes sympathisants’ ou ‘mes amis’.

"C’est là ta place "
Notre auteur fait dire par Dieu le Père ces paroles à Marie: “ Demeure en Jacob. C’est là – au milieu de mes ‘prédestinés’, mes sympathisants, mes amis qu’est ta place; sois pour eux une vraie mère (VD 29-30). "

Et Dieu le Fils dit à Marie: « Israël sera ton héritage.  Reçois le peuple de Dieu comme héritage, il devient ta propriété. Sois en responsable: « Comme une bonne mère, tu les enfanteras, nourriras, élèveras; et, comme leur souveraine, tu les conduiras, gouverneras et défendras » (VD 31).

Dieu le Saint-Esprit à son tour lui dit: Jette tes racines dans mes élus ”… Sois active en eux. “Laisse toutes tes vertus prendre racine dans mes ‘amis’ pour les faire croître de vertu en vertu et de grâce en grâce…Donne-moi la joie de retrouver en eux les racines de ta foi invincible, de ton humilité profonde, de ta mortification universelle, de ton oraison sublime, de ta charité ardente et de toutes tes autres vertus…” (VD 34).

“…Quand Marie a jeté ses racines dans un âme, elle y produit des merveilles de grâce
qu’elle seule peut produire.” (VD 35). “…
Quand le Saint-Esprit, son Époux, l’a trouvée dans une âme, il y vole,
il y entre pleinement, il se communique à cette âme abondamment” (VD 36).

En guise de conclusion
D’après Montfort, il ne peut en être autrement : Marie a reçu un  grand pouvoir sur les ‘amis’ de Dieu et, comme en témoigne l’histoire, elle a pris son rôle à cœur (VD 37- 48).
Le prochain article parlera de Marie dans l’accomplissement de l’œuvre de Dieu (VD 49-59).
Père Frans Fabry, directeur
Note:
Les chiffres entre parenthèses renvoient aux numéros de la Vraie Dévotion (VD) et du document conciliaire  Lumen Gentium (LG).

"Sortie des mains du Très-Haut" - VD 14

Approfondissement de ce qui est dans le texte:
 'Catéchèse à l'école de Marie du mois d' octobre.
Nous lisons dans la Vraie Dévotion le n° 14:

14. J'avoue, avec toute l'Eglise, que Marie n'étant qu'une pure créature sortie des mains du Très-Haut, comparée à sa Majesté infinie, est moindre qu'un atome, ou plutôt n'est rien du tout, puisqu'il est seul "Celui qui est", et que, par conséquent, ce grand Seigneur, toujours indépendant et suffisant à lui-même, n'a pas eu ni n'a pas encore absolument besoin de la Très Sainte Vierge pour l'accomplissement de ses volontés et pour la manifestation de sa gloire. Il n'a qu'à vouloir pour tout faire.

La Création - VD 15 et 18


Approfondissement du texte avec article 15 et 18 que nous lisons dans 'La Vraie Dévotion':

15. Je dis cependant que, les choses supposées comme elles sont, Dieu ayant voulu commencer et achever ses plus grands ouvrages par la Très Sainte Vierge depuis qu'il l'a formée, il es à croire qu'il ne changera point de conduite dans les siècles des siècles, car il est Dieu, et ne change point en ses sentiments ni en sa conduite.
18. Dieu le Fils est descendu dans son sein virginal, comme le nouvel Adam dans son paradis terrestre, pour y prendre ses complaisances et pour y opérer en cachette des merveilles de grâce. Ce Dieu fait homme a trouvé sa liberté à se voir emprisonné dans son sein; il a fait éclater sa force à se laisser porter par cette petite fille.  O admirable et incompréhensible dépendance d'un Dieu.