Pages

9 décembre 2012

Edouard Poppe


Edouard Poppe
Nous interrompons la ‘Catéchèse à l’école de Marie’, car en ce mois de décembre cela fait 100 ans que l’abbé Poppe fut ‘né d’en-haut’ (cf. l’expression de Jésus devant Nicodème) et ceci à l’aide des orientations du père de Montfort dans la Vraie Dévotion. L’abbé Poppe est un témoin hors de pair. Nous citons souvent le journal de l’abbé et respectons le style propre à ce genre d’écrit. En effet il ne s’adresse pas à un lecteur mais s’exprime directement tantôt à Jésus, tantôt à la Vierge Marie. On y découvre l’intimité caractéristique de l’enfance louée par Jésus : ‘si vous ne devenez comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux’ (Mt 18, 3).

Il y a 100 ans ‘né d’en-haut’ -  Edouard Poppe

Le 13 mars 1912

Le 13 mars 1912 Edouard termine son service militaire et se revêt de la soutane des séminaristes. Tout heureux il écrit à sa sœur religieuse : « Voilà mon rêve réalisé, je suis séminariste et peut-être l’homme le plus heureux du monde » ! Et il ajoute qu’il sait bien que tout clergé est humain et risque d’être marqué par l’esprit mondain, mais que lui est décidé de devenir un prêtre selon le cœur de Dieu. Précédemment, un certain Jean Gravin, séminariste aussi, lui avait mis en mains le Traité de la Vraie Dévotion de Montfort en disant : « Voilà ce qu’il faut lire, mais prie d’abord le Saint-Esprit ».

Edouard s’est mis à lire le livre mais était vite déçu. Jean Gravin s’y attendait, tentait d’expliquer la tournure d’esprit de Montfort et insistait : « recommence la lecture ». Il le fit et le refit une troisième fois. Progressivement il dépassa les imperfections du langage du 18e siècle et découvrit la profondeur biblique de l’écrit. C’est alors, ce fameux 13 mars 1912, qu’il entame la première page de son journal et cite la Vraie Dévotion : « Totus tuus… Je suis tout à vous et tout ce qui est à moi vous appartient ». Plus tard, lors de ses voyages pastoraux, Jean-Paul II a rendu célèbre cette expression à travers le monde. Il est important de se rappeler que ces paroles s’adressent à la Vierge Marie, demandant son aide pour devenir chrétien adulte.

De plus, la première page de son journal est marquée d’une longue citation du livre de Montfort. En résumant sa vie, on dirait qu’à ce moment le séminariste écrit sa règle de vie : « La vraie dévotion à la Sainte Vierge est ‘sainte’, c'est-à-dire qu'elle porte une âme à éviter le péché et imiter les vertus de la Très Sainte Vierge, particulièrement son humilité profonde, sa foi vive, son obéissance aveugle, son oraison continuelle, sa mortification universelle, sa pureté divine, sa charité ardente, sa patience héroïque, sa douceur angélique et sa sagesse divine. Ce sont les dix principales vertus de la Très Sainte Vierge » (108).

Le grand défi

Quelques jours plus tard, le 25 mars, lors de la fête de l’Annonciation du Seigneur, il se sert d’une expression caractéristique chez Montfort et marque : « Jésus Christ, tout dépendant d’elle, est emprisonné dans le sein de Marie», puis il médite la belle prière « O Jésus, vivant en Marie ».

Il fait un calcul : du 25 mars au 25 décembre cela fait exactement neuf mois. En union avec Jésus vivant en Marie il établit un programme afin de célébrer une nouvelle naissance le jour de Noël prochain. Il supplie la Vierge Marie de le prendre en charge et de l’aider à croître de vertu en vertu, de grâce en grâce.

Chaque jour, dans le jardin du séminaire, il se rend à la grotte de Lourdes et dans son journal copie des longs passages du livre de Montfort. Une phrase le frappe particulièrement : « Saint Augustin se surpassant lui-même, et tout ce que je viens de dire, dit que tous les prédestinés, pour être conformes à l'image du Fils de Dieu, sont en ce monde cachés dans le sein de la Très Sainte Vierge, où ils sont gardés, nourris, entretenus et agrandis par cette bonne Mère ».

Son premier pèlerinage à Montaigu

A l’Ascension, cette même année le 16 mai, tous les séminaristes font le pèlerinage à Montaigu. Pour Edouard c’est un sommet de sa vie. Sous la coupole du sanctuaire marial, à genoux, il reprend et médite lentement phrase après phrase, particulièrement les alinéas adressés à la Vierge Marie, la prière de consécration du père de Montfort qu’il avait copiée:

« … Moi, Edouard Johannes Maria Poppe, pécheur infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd'hui entre vos mains les vœux de mon baptême; je renonce pour jamais à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, et je me donne tout entier à Jésus Christ, la Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie, et afin que je lui sois plus fidèle que je n'ai été jusqu'ici.

Je vous choisis aujourd'hui, en présence de toute la cour céleste, pour ma Mère et Maîtresse. Je vous livre et consacre, en qualité d'esclave, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m'appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l'éternité …

O Mère de miséricorde! Faites-moi la grâce d'obtenir la vraie sagesse de Dieu et de me mettre pour cela au nombre de ceux que vous aimez, que vous enseignez, que vous conduisez, que vous nourrissez et protégez comme vos enfants et vos esclaves.
O Vierge fidèle, rendez-moi en toutes choses un si parfait disciple, imitateur et esclave de la Sagesse incarnée, Jésus-Christ, votre Fils, que j'arrive, par votre intercession, à votre exemple, à la plénitude de son âge sur la terre et de sa gloire dans les cieux. Ainsi soit-il ».

La tonsure

Du 16 au 19 octobre de cette même année a lieu la retraite préparatoire à la tonsure (une première célébration sur la voie qui conduisait à la prêtrise). Le prédicateur réfère au couronnement d’épines de Jésus et n’hésite pas à rappeler que chaque prêtre participe à la souffrance du Christ. Cette perspective n’effraie pas Edouard. En effet, disant la prière de consécration n’avait-il pas promis ‘qu’il se donnait tout entier à Jésus Christ pour porter sa croix à sa suite tous les jours de sa vie’ ? Dans son journal nous lisons: « Ma chère maman Marie, sachant que je serai couronné d’épines, qu’une lance transpercera mon cœur, que je serai blessé et humilié aussi bien corporellement que spirituellement… je ne renoncerai pas à ma vocation, mais je compte sur votre aide maternelle. Faites de moi un autre Christ. Je suis et je reste tout à vous et tout ce qui m’appartient est à vous… ».

Faites de moi un autre Christ : il pense aux huit mois écoulés et envisage la Noël qui approche. Pour marquer ses désirs les plus profonds il décide de renouveler sa consécration à la fin des 30 jours préparatoires tel que Montfort le suggère dans son livret. Lors de ce trentain les pages de son journal montrent qu’il suit consciencieusement les directives de l’auteur. S’adressant à Marie, son langage devient de plus en plus confidentiel. Il l’appelle avec des surnoms affectueux tels que ‘ma petite maman chérie’, et ‘mèrke chérie’.  Il y a des passages qui montrent qu’une ambition audacieuse naît dans son cœur : « Maman, ne permettez pas que je me contente d’une vie médiocre… Couvrez-moi de votre manteau miséricordieux… Malgré mes défauts, faites de moi un autre Christ… »

L’Avent de 1912

La finale des ses 30 jours coïncide avec la première semaine de l’Avent, cette année-là du 1ier au 7 décembre. Le 8 décembre 1912, pour la troisième fois cette année, il décide de se rendre à Montaigu. Avec encore plus d’appui il reprend le texte de la consécration dont il s’était servi déjà deux fois en ce lieu de pèlerinage et atteste de nouveau son engagement en y ajoutant le lieu, la date et sa signature. A ses yeux il s’agit visiblement d’un acte officiel.
Dans son journal nous constatons que son cœur déborde de confiance : « Ma bonne et chère maman chérie, écoutez, est-ce que vous vous souvenez de mon engagement du 25 mars ? Cela fait maintenant presque neuf mois.  Est-ce que vous vous souvenez de mes prières et de mes désirs ? C’est ce jour que je me suis donné à vous, ma volonté, mon intelligence, mon cœur… Vous m’avez conçu dans votre sein, moi, votre nouveau Jésus, afin que j’y sois par l’opération du Saint-Esprit transformé, que je sois votre vrai fils, grandi en vous et né de vous… Vous me portez dans votre sein. J’aime tellement vivre en Dieu et voir vivre Dieu dans les âmes. Vous aussi vous aspirez à la naissance d’un nouveau Jésus… Ma chère petite maman, le jour approche, bientôt nous nous trouverons à Bethléem. Ma maman chérie, permettez-moi d’être votre petit Jésus… O maman, quelle belle Noël en vue ... !»

Puis après

On s’attendrait à une joyeuse fête de Noël, mais nous savons que le directeur spirituel a refréné l’élan d’Edouard. Lui, extrêmement sensible, était empêché d’exprimer ses sentiments. Dans son journal nous lisons : « O mon Dieu, je prends la ferme résolution d’être obéissant à mon directeur spirituel… ». Jamais il n’a éprouvé une épreuve pareille, elle a duré tout au long du carême de 1913, mais l’a renforcé et l’a conduit à un âge adulte. Dans son journal il y a des expressions qui font penser à la croix que, pour consolider un petit groupe de femmes à l’Hôpital Général à Poitiers, Montfort avait illustrée : ‘Amour divin’, ‘présence de Dieu’, ‘humilité’, ‘confiance’, ‘amour de Marie’….

Tombeau de l'abbé Poppe à Moerzeke
Edouard a apprit qu’être Christ de Dieu dans le monde est bien plus que d’être un beau bébé dans une crèche. Jésus a connu des succès, mais a dû endurer aussi des oppositions et des souffrances. Encore séminariste, Edouard a déjà vécu cette expérience. Progressivement, au-delà des épreuves, il a pu dire avec saint Paul : ce n’est plus moi qui vit, mais le Christ qui vit en moi. La grâce de Dieu l’a renforcé et il a pu transmettre aux autres cette même grâce. En renouvelant de jour en jour sa consécration, avec Jésus il est devenu une ‘hostie vivante’. Lors de la retraite préparatoire à l’ordination dans son journal nous trouvons en majuscules le mot ‘victimatio’, ‘être offrande’. Il était prêt à être de jour en jour un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. Tout au long de sa courte vie il a renouvelé sa consécration à sa chère et petite maman et Marie l’a assisté. Ainsi Edouard est devenu fécond bien au-delà des frontières de la petite commune de Moerzeke.

Frans Fabry

11 novembre 2012

Catéchèse à l'école de Marie (12)

 Commentaire sur La Vraie Dévotion de Montfort (234 - 242)

L’essentiel de cette dévotion consiste dans l’intérieur

Dans la première partie de son écrit le père de Montfort a répété de multiples façons que Dieu tient à impliquer l’homme dans son agir (terre nouvelle cieux nouveaux). Comme il l’a fait depuis les débuts, depuis Abraham, Il continue à le faire de la même façon. Parmi les nombreux collaborateurs, la Vierge Marie tient une place particulière, car grâce à son ‘oui’ Dieu a pu donner une tour-nure décisive à son grand projet : son incarnation.

Depuis notre ‘oui’ baptismal, le Seigneur compte sur nous pour prolonger son incarnation, mais cela suppose un changement de notre intérieur. L’eau baptismale ne suffit pas pour transformer l’intérieur de l’homme, il faut que de jour en jour le baptisé s’ouvre à la grâce qui lui est offerte. C’est précisément pour cela que Montfort propose des pratiques concrètes. Nous avons déjà découvert le premier exercice, un temps fort de trente jours qui conduit à la conclusion d’un ‘contact avec Dieu’.  En suivent six qui, comme un jogging spirituel journalier, servent à maintenir la forme pour être chrétien de jour en jour. Voici les deux suivants.

La petite couronne

Ce n’est pas Montfort qui a inventé cette prière relativement brève, la formule existait déjà. « Il y a plusieurs manières de bien dire cette prière et il serait trop long de les rapporter ici », nous dit-il. Ailleurs dans ses écrits, il nous offre quelques versions, mais la structure est chaque fois la même. Puisque cette prière n’est plus tellement pratiquée, j’y consacre une petite explication.

« Cette pratique est fort ancienne et elle a son fondement dans l'Écriture Sainte. Saint Jean vit une femme couronnée de douze étoiles, revêtue du soleil, et tenant la lune sous ses pieds, cette femme, selon les interprètes, est la Très Sainte Vierge » (234). Montfort réfère au chapitre 12 de l’Apocalypse riche en symboles. Dans le contexte du passage cité par Montfort, la femme est revêtue du soleil, un symbole pour référer au divin. Puis, elle est enceinte (de Jésus bien sûr) et tient la lune sous ses pieds : elle ne se laisse pas influencer par les forces sinistres. Les douze étoiles réfèrent au lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament, les douze tribus de Jacob : l’ancienne Israël et les douze apôtres : le peuple nouveau.

L’auteur de l’Apocalypse cadre l’événement : « un signe grandiose apparut au ciel », tandis que le titre donné à la prière inspire l’humilité : une petite couronne. Est-ce une erreur, ou y-a-t-il un message ? Quoi qu’il en soit, c’est un avertissement pour ceux qui situeraient Marie dans un autre monde et en feraient presque un Dieu. En effet, en priant attentivement les textes, on découvre la proximité de la Vierge Marie. Marie nous rappelle l’humilité de Dieu qui vient vers l’homme pour l’élever auprès de Lui.

Bien dire cette prière

« Il y a plusieurs manières pour bien dire la petite couronne…,  cependant pour la dire tout simplement, il faut… ». C’est rare que Montfort donne une consigne pour bien prier. Profitons-en, découvrons que cette prière est bien plus qu’une simple louange à la Vierge Marie et qu’elle réfère aux merveilles accomplies en elle en faveur de toute l’humanité. Elle revoie au Dieu à l’œuvre. Dans ce sens la petite couronne est aussi une louange à Dieu qui sauve.

Montfort conseille de commencer par cette invocation : « Daigne écouter mes louanges, ô Vierge très sainte, et donne-moi la force contre tes ennemis. » Qui sont les ennemis de Marie ? La réponse est très simple : c’est tout ce qui peut détourner l’homme de son Dieu. Sou-venez-vous des vérités fondamentales citées dans les numéros 61- 89 où, de multiples façons, l’auteur décrit la tension qui existe entre notre situation humaine concrète et le niveau auquel le Seigneur veut nous élever. Encore ce détail : l’expression ‘Vierge très sainte’ pourrait référer à la femme tenant la lune sous ses pieds, celle qui est tout tournée vers Dieu.
Ici dans la Vraie Dévotion, l’auteur conseille de poursuivre la prière en récitant le crédo, ailleurs, dans la formule que l’on découvre dans les prières matinales pour les Filles de la Sagesse, il commence par une prière adressée au Saint Esprit. Les deux formules invitent le priant à s’orienter vers le Dieu agissant.


Douze étoiles

Après cette ouverture suivent en trois séries de quatre, les douze invocations à Marie avec l’Ave, entrecoupées d’un Pater. Les douze invocations renvoient au douze étoiles de la femme dans l’Apocalypse. Elles font penser au Magnificat de Marie qui ne chante pas sa propre gloire, mais confesse que le Tout-Puissant a fait pour elle des merveilles « comme promis à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais ». Cette finale est très significative, Marie indique le fondement de sa foi : Dieu réalise ce qu’il a promis.

En contemplant la Vierge Marie, nous entrevoyons le chemin ouvert par Jésus qu’elle a par-couru, elle la première. Ainsi en priant la petite couronne, nous nous sentons impliqués dans l’agir de Dieu, nous voyons le chemin à parcourir et craignons des embuches qui pourraient gêner notre élan. C’est pourquoi Montfort suggère comme conclusion la vieille prière de l’Eglise : ‘Sub tuum praesidium’ (Sous l’abri de ta miséricorde).

De petites chaînettes

La troisième pratique concrète que Montfort suggère est d’un tout autre genre. Il est très louable, dit-il, de porter de petites chaînettes ‘de fer’. Cette précision attire l’attention, elle nous met sur la piste qu’il va indiquer. Il commence par un avis : « Ces marques extérieures, à la vérité, ne sont pas essentielles, et une personne peut fort bien s'en passer… ». Le fait qu’il consacre plusieurs pages au bien fondé de ce signe extérieur prouve bien la richesse de ce symbole. Le port d’une chaînette ou d’une médaille peut être une prière.

Une chaîne peut rappeler la souffrance des esclaves et leur servitude, mais inversement, nous dit Montfort, elle peut référer à la libération réalisée par le Christ vainqueur et il fait allusion au symbole de la croix : « Quoique autrefois il n'y eût rien de plus infâme que la croix, à présent ce bois ne laisse pas d'être la chose la plus glorieuse du christianisme. Disons le même des fers de l'esclavage » (237). Une autre approche : les chaînes peuvent être des instruments utiles. Montfort cite le prophète Osée qui met dans la bouche du Seigneur ces paroles : « Je les menais (les Hébreux) avec des attaches humaines, avec des liens d’amour » (11,4).

La symbolique

Montfort développe davantage : « C'est pour faire ressouvenir le chrétien des vœux et engagements de son baptême, de la rénovation parfaite qu'il en a faite par cette dévotion, et de l'étroite obligation où il est de s'y rendre fidèle. Comme l'homme, qui se conduit souvent plus par les sens que par la pure foi, oublie facilement ses obligations envers Dieu… ces petites chaînes servent merveilleusement au chrétien pour le faire ressouvenir des chaînes du péché et de l'esclavage du démon, dont le saint baptême l'a délivré, et de la dépendance de Jésus Christ qu'il lui a vouée dans le saint baptême, et de la ratification qu'il en a faite par rénovation de ses vœux… (238).

Aux yeux de Montfort, l’attitude de service et de dévouement est cruciale pour le chrétien. Dieu fait appel à l’homme et par le ‘oui’ de ce dernier il devient serviteur. Parmi une série de citations bibliques, je retiens celle qui de façon plastique caractérise le chrétien. « Soumettons nos épaules, et portons la Sagesse qui est Jésus Christ, et ne nous ennuyons point de ses chaînes » (240).

Frans Fabry

La petite couronne

Voici comment prier la petite couronne:

Viens, Esprit Saint, emplis les coœurs de tes fidèles et allume en eux le feu du pur amour. Seigneur, envoi ton Esprit et tout sera créé et tu renouvelleras la face de la terre.

Prions.

Seigneur Dieu, puisque tu as instruit tes fidèles en éclairant leur âme par les lumières de l’Esprit Saint, donne-nous d’animer par cet Esprit ce qui est bien et de jouir sans cesse du réconfort qu’il nous apporte par le Christ notre Seigneur. Amen.

Sois glorifiée, Marie, Fille très amiable de Dieu le Père. Nous te louons, car en toi se sont manifestées les œuvres de Dieu.

Notre Père…

Nous te louons, Marie, car Dieu t’a choisie pour devenir mère de son Fils.
Je te salue, Marie,…

Nous te louons, Marie, car pour le Royaume de Dieu, tu as suivi le Christ dans une virginité et un détachement total.
Je te salue, Marie,…

Nous te louons, Marie, parce que tu as assume le privilege de l’Immaculée Conception avec une fidélité et un amour tells que la redemption du Christ a trouvé sa plenitude en ton âme et en ton corps.
Je te salue, Marie,…

Nous te louons, Marie, parce que, comme une nouvelle Eve, tu as mis ta vie au service de Dieu pour la redemption du monde.
Je te salue, Marie,…

Gloire au Père,…

Sois glorifiée, Marie, Mère du Fils de Dieu. Nous te louons, car tu as vécu ta vocation avec un amour fidèle.

Notre Père,…

Nous te remercions, Marie, car tu nous as donné l’exemple d’une foi vive qui écoute la parole de Dieu et accomplit sa volonté.
Je te salue, Marie,…

Nous te remercions, Marie, car tu as été pour nous l’exemple de notre humanité indigente qui aspire de tout son être vers la promesse de Dieu.
Je te salue, Marie,…

Nous te remercions, Marie, parce que tu as été pour nous l’exmple d’une personne serviable, qui realise son amour de Dieu dans la charité du prochain.
Je te salue, Marie, …

Nous te remercions, Marie, parce que tu nous a donné l’exemple d’une personne sauvée, qui accepte la croix du Christ pour la redemption du monde.
Je te salue, Marie,…

Gloire au Père,…

Sois glorifiée, Marie, Epouse du Saint-Esprit. Nous te louons, car tu nous aimes comme une mere attentive, qui nous conduit tout au long de la vie vers Dieu, notre Père.

Notre Père,…

Nous t’aimons, Marie, pour l’amour maternel don’t tu entoures les croyants à leur naissance et pour le souci que tu déploies à assurer leur croissance vers une vie adulte.
Je te salue, Marie,…

Nous t’aimons, Marie, car tu nous portes dans ton cœur comme tes enfants, et tu intercedes pour nous auprès de Jésus ton Fils.
Je te salue, Marie,…

Nous t’aimons, Marie, car tu es la mere de l’Église qui cherche à réunir tout le genre humain dans le Christ unique.
Je te salue, Marie, …

Nous t’aimons, Marie, car tu es pour nous le signe de l’espérance sur le chemin du Royaume de Dieu.
Je te salue, Marie,…

Gloire au Père,…

Prions.

À l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu. Ne méprise pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers délivre-nous toujours, Vierge glorieuse, Vierge bienheureuse.

30 septembre 2012

Catéchèse à l'école de Marie (11)



La mise en pratique

Ecriture du Père de Montfort
De sa lecture biblique le père de Montfort retient surtout que Dieu est actif moyennant la collaboration de l’homme. Parmi ses collaborateurs la Vierge Marie se distingue nettement grâce aux merveilles que le Seigneur a opérées en elle : son incarnation. Ce mystère se prolonge jusqu’à nos jours. La grâce du baptême ouvre cette voie, mais rares sont ceux qui en sont conscients. C’est une erreur assez généralisée de penser que l’on est chrétien parce que baptisé. En réalité la grâce du baptême offre tout ce qui est nécessaire pour devenir chrétien, pour devenir un point d’appui pour Dieu dans ce monde et lui offrir des mains et des pieds pour rejoindre beaucoup d’autres. Le chrétien offre à Dieu une demeure, il s’agit du mystère de l’incarnation qui continue, et la Vierge Marie y joue un rôle. C’est pourquoi, nous dit le père de Montfort, il nous faut lui offrir la possibilité d’accomplir la mission qu’elle a reçue.
Après avoir indiqué le bien fondé de la dévotion qu’il propose, notre auteur entame sa mise en pratique. Il commence une nouvelle page et avec de grands et beaux caractères il marque : « Pratiques particulières de cette dévotion ».

‘Avancer’
Rappelons-nous le numéro 119: « Comme l'essentiel de cette dévotion consiste dans l'intérieur qu'elle doit former, elle ne sera pas également comprise de tout le monde: quelques-uns s'arrêteront à ce qu'elle a d'extérieur, et ne passeront pas outre, et ce sera le plus grand nombre; quelques-uns, en petit nombre, entreront dans son intérieur, mais ils n'y monteront qu'un degré. Qui est-ce qui montera au second? Qui parviendra jusqu'au troisième? Enfin, qui est celui qui y sera par état? Celui-là seul, à qui l'Esprit de Jésus Christ révélera ce secret, et y conduira lui-même l'âme bien fidèle pour avancer de vertus en vertus, de grâce en grâce, et de lumières en lumières pour arriver jusqu'à la transformation de soi-même en Jésus Christ, et à la plénitude de son âge sur la terre et de sa gloire dans le ciel. » Comme dit précédemment, chaque élément de ce passage mérite une attention particulière, ici j’attire l’attention sur la dynamique de sa composition. Il s’agit d’un processus qui conduit à l’âge adulte chrétien, avancer pas-à-pas à la transformation en Jésus Christ.

L'intérieur qui doit être formé

Qu’entend l’auteur par "l'intérieur qui doit être formé ? " Dans son Secret de Marie nous trouvons une réponse brève qui fait comprendre que Montfort vise très haut et qui suppose un cheminement qui prend du temps, voire toute une vie: « Ame, image vivante de Dieu et rachetée du Sang précieux de Jésus Christ, la volonté de Dieu sur vous est que vous deveniez sainte comme lui dans cette vie, et glorieuse comme lui dans l'autre. L'acquisition de la sainteté de Dieu est votre vocation assurée… O ouvrage admirable ! … il n'y a que Dieu qui, par une grâce, et une grâce abondante et extraordinaire, puisse en venir à bout… » (SM 3). Voilà ce que l’on apprend à l’école de Marie. Les exercices que Montfort va proposer nous conduisent à cette école.

Un tournant

Comme Abraham, comme Moïse... comme Marie, le baptisé est supposé d’oser donner une réponse à la proposition du Seigneur, supposé de se mettre en mouvement et devenir coopérant, même sans savoir où cela le conduira.Tout au long de sa vie, le père de Montfort a été en contact avec des pères jésuites et il est très probable qu’il ait connu le chemin spirituel de saint Ignace, un chemin qui conduit à l’union au Christ. Nous ignorons s’il a suivi les exercices de saint Ignace, mais nous constatons qu’il se sert d’un schéma semblable, c’est-à-dire opter pour un temps continu qui conduit à un contrat avec le Seigneur (renouvellement officiel de son alliance avec Dieu). Pour que cette alliance soit davantage solide et efficace, avec assurance Montfort conseille de faire appel à l’aide de la Vierge Marie. Il demande de réserver au moins douze jours, pour se situer par rapport à la Bible, la Parole de Dieu qui invite à devenir acteur dans son agir en cours, suivis de trois semaines de prière assidue (227). Parmi ceux qui ont entamé le cheminement que Montfort propose, plusieurs parlent d’un tournant dans leur vie. La façon dont le père de Montfort encadre le jour de la consécration montre bien, qu’à ses yeux aussi, il s’agit d’une démarche très engageante.

Les douze jours

La Bible
Pour les douze jours Montfort suggère de se vider de l'esprit du monde et de se remplir de celui de Jésus Christ par la Vierge Marie (227). Sans cesse le lecteur de la Bible constate que les pensées du Seigneur ne sont pas celles des hommes. Dans la première partie de son écrit, de multiples façons, Montfort a attiré l’attention du lecteur sur l’agir de Dieu et sa façon d’y intégrer l’humain, particulièrement la Vierge Marie. Découvrir cet agir de Dieu demande du temps et de l’accoutumance. Voici un témoignage de Jean-Paul II référant à La Vraie Dévotion : « C’est un de ces livres qu’il ne suffit pas d’avoir lu… Je revenais sans cesse et tour à tour sur certains passages… J’ai compris que Marie nous conduit au Christ. » Précisément cette rencontre donne une nouvelle dimension à la vie humaine.

Les trois semaines

Notre auteur suggère pour la première semaine de demander la grâce de la connaissance de soi-même. À cause du langage imagé – il nous compare à des escargots, limaçons, crapauds, cochons, serpents et boucs – plusieurs classent Montfort parmi les négativistes qui dénigrent tout ce qui est humain. Or, avec ironie, il veut secouer le lecteur. Les expressions plastiques renvoient aux numéros 78-82 où il met en contraste notre pauvreté par rapport à l’homme parfait Jésus Christ, notre modèle assuré. C’est dans la prière qu’on peut acquérir une parfaite humilité : « Ils prieront Notre-Seigneur et son Saint-Esprit de les éclairer, par ces paroles : " Seigneur, fais que je voie ", ou " Que je me connaisse ", ou " Viens, Esprit Saint " et " diront tous les jours les litanies du Saint-Esprit… Ils auront recours à la Très Sainte Vierge, et lui demanderont cette grande grâce qui doit être le fondement des autres, et pour cela ils diront tous les jours l'Ave Maris Stella et ses litanies » (228). Le climat de prière est indispensable durant tout le circuit des 30 jours.
« Pendant la seconde semaine, ils s'appliqueront dans toutes leurs oraisons et œuvres de chaque journée, à connaître la Très Sainte Vierge. Ils demanderont cette connaissance au Saint-Esprit. Ils pourront lire et méditer ce que nous en avons dit (cf. 16-36 et 83-89). Ils réciteront, comme la première semaine, les litanies du Saint-Esprit et l'Ave Maris Stella, et, de plus, un rosaire tous les jours, ou du moins un chapelet, à cette intention » (229).
« Ils emploieront la troisième semaine à connaître Jésus Christ. Ils pourront lire et méditer ce que nous en avons dit (cf. 61-77), et dire l'oraison de saint Augustin (cf. 67). Ils pourront, avec le même saint, dire et répéter cent et cent fois par jour: " Seigneur, que je te connaisse ! " ou bien : " Seigneur, que je voie qui tu es’! Ils réciteront, comme aux semaines précédentes, les litanies du Saint-Esprit et l'Ave Maris Stella, et ajouteront tous les jours les litanies du Saint Nom de Jésus » (230).

En tant que pédagogue

Le père de Montfort
Notons qu’il ne s’agit pas de formules magiques, les suggestions de Montfort ont pour but de vous aider à entrer dans ‘le monde de Dieu’, comme cela est arrivé à la Vierge Marie quand, par l’opération du Saint Esprit, Dieu s’est fait homme (cf. n° 6). Finalement, en tant que bon pédagogue, Montfort devient très concret: signez et datez le texte de votre consécration et faites un geste particulier. Il parle d’un ‘tribut’ pour marquer votre dépendance de Jésus et de Marie. « Ce tribut sera selon la dévotion et la capacité d'un chacun: comme un jeûne, une mortification, une aumône, un cierge; quand ils ne donneraient qu'une épingle en hommage, avec un bon cœur, c'en est assez pour Jésus, qui ne regarde que la bonne volonté….Tous les ans au moins, le même jour, ils renouvelleront la même consécration, observant les mêmes pratiques pendant trois semaines. Ils pourront même, tous les mois et tous les jours, renouveler tout ce qu'ils ont fait, par ce peu de paroles: Je suis tout à vous, et tout ce que j'ai vous appartient, ô mon aimable Jésus, par Marie, votre sainte Mère » (233-234).

Frans Fabry

Lecture dans 'La Vraie Dévotion 226 - 233

Ci-dessous vous trouvez les numéros 226 jusqu'au 233 qui se trouvent dans 'La Vraie Dévotion'.

PRATIQUES PARTICULIERES DE CETTE DEVOTION.

Pratiques Extérieures

226. Quoique l'essentiel de cette dévotion consiste dans l'intérieur, elle ne laisse pas d'avoir plusieurs pratiques extérieures qu'il ne faut pas négliger: Haec oportuit facere et illa non omittere, soit parce que les pratiques extérieures bien faites aident les intérieures, soit parce qu'elles font ressouvenir l'homme, qui se conduit toujours par les sens, de ce qu'il a fait ou doit faire; soit parce qu'elles sont propres à édifier le prochain qui les voit, ce que ne font pas celles qui sont purement intérieures. Qu'aucun mondain donc, ni critique, ne mette ici le nez pour dire que la vraie dévotion est dans le coeur, qu'il faut éviter ce qui est extérieur, qu'il peut y avoir de la vanité, qu'il faut cacher sa dévotion, etc. Je leur réponds avec mon Maître: Que les hommes voient vos bonnes oeuvres, afin qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux; non pas, dit saint Grégoire, qu'on doive faire ses actions et dévotions extérieures pour plaire aux hommes et en tirer quelque louange, ce serait vanité; mais on les fait quelquefois devant les hommes, dans la vue de plaire à Dieu et de le faire glorifier par là, sans se soucier des mépris ou des louanges des hommes.
Je ne rapporterai qu'en abrégé quelques pratiques extérieures, que je n'appelle pas extérieures parce qu'on les fait sans intérieur, mais parce qu'elles ont quelque chose d'extérieur, pour les distinguer de celles qui sont purement intérieures.

[Consécration après exercices préparatoires] 227. Première pratique. - Ceux et celles qui voudront entrer en cette dévotion particulière, qui n'est point érigée en confrérie, quoiqu'il le fût à souhaiter, après avoir, comme j'ai [dit] dans la première partie de cette préparation au Règne de Jésus-Christ, employé douze jours au moins à se vider de l'esprit du monde contraire à celui de Jésus-Christ, emploieront trois semaines à se remplir de Jésus-Christ par la Très Sainte Vierge. Voici l'ordre qu'ils pourront garder:

228. Pendant la première semaine, ils emploieront toutes leurs oraisons et actions de piété à demander la connaissance d'eux- mêmes et la contrition de leurs péchés: et ils feront tout en esprit d'humilité. Pour cela, ils pourront, s'ils veulent, méditer ce que j'ai dit de notre mauvais fond et ne se regarder, les six jours de cette semaine, que comme des escargots, limaçons, crapauds, cochons et serpents et boucs; ou bien ces trois paroles de saint Bernard: Cogita quid fueris, semen putridum; quid sis, vas stercorum; quid futurus sis, esca vermium. Ils prieront Notre-Seigneur et son Saint- Esprit de les éclairer, par ces paroles: Domine, ut videam; ou Noverim me; ou Veni, Sancte Spiritus, et diront tous les jours les litanies du Saint-Esprit et l'oraison qui suit, marqués dans la première partie de cet ouvrage. Ils auront recours à la Très Sainte Vierge, et lui demanderont cette grande grâce qui doit être le fondement des autres, et pour cela ils diront tous les jours, l'Ave maris stella, et ses litanies.

229. Pendant la seconde semaine, ils s'appliqueront dans toutes leurs oraisons et oeuvres de chaque journée, à connaître la Très Sainte Vierge. Ils demanderont cette connaissance au Saint-Esprit. Ils pourront lire et méditer ce que nous en avons dit. Ils réciteront, comme la première semaine, les litanies du Saint-Esprit et l'Ave maris Stella, et, de plus, un rosaire tous les jours, ou du moins un chapelet, à cette intention.

230. Ils emploieront la troisième semaine à connaître Jésus- Christ. Ils pourront lire et méditer ce que nous en avons dit, et dire l'oraison de saint Augustin, qui est mis vers le commencement de cette seconde partie. [VD 67] Ils pourront, avec le même saint, dire et répéter cent et cent fois par jour: Noverim te: Seigneur, que je vous connaisse! ou bien, Domine, ut videam: Seigneur, que je voie qui vous êtes! Ils réciteront, comme aux autres semaines précédentes, les litanies du Saint-Esprit et l'Ave maris Stella, et ajouteront tous les jours les litanies [du Saint-Nom] de Jésus.

231. Au bout de ces trois semaines, ils se confesseront et communieront à l'intention de se donner à Jésus-Christ, en qualité d'esclaves d'amour, par les mains de Marie. Et, après la communion, qu'ils tâcheront de faire selon la méthode qui est ci-après, ils réciteront la formule de leur consécration, qu'ils trouveront aussi ci-après; il faudra qu'ils l'écrivent ou la fassent écrire, si elle n'est imprimée, et qu'ils la signent le même jour qu'ils l'auront faite.

Contrat d'alliance de Montfort
232. Il sera bon que, ce jour, ils payent quelque tribut à Jésus-Christ et à sa sainte Mère, soit pour pénitence de leur infidélité passée aux voeux de leur baptême, soit pour protester de leur dépendance du domaine de Jésus et de Marie. Or, ce tribut sera selon la dévotion et la capacité d'un chacun: comme un jeûne, une mortification, une aumône, un cierge; quand ils ne donneraient qu'une épingle en hommage, avec un bon coeur, c'en est assez pour Jésus, qui ne regarde que la bonne volonté.

233. Tous les ans au moins, le même jour, ils renouvelleront la même consécration, observant les mêmes pratiques pendant trois semaines.
Ils pourront même, tous les mois et tous les jours, renouveler tout ce qu'ils ont fait, par ce peu de paroles: Tuus totus ego sum, et omnia mea tua sunt: Je suis tout à vous, et tout ce que j'ai vous appartient, ô mon aimable Jésus, par Marie, votre sainte Mère.

1 septembre 2012

Catéchèse à l'école de Marie (10)

Commentaire sur La Vraie Dévotion de Montfort (213 - 225)

Marie et le chemin de la foi

ND de la Sagesse
De différentes façons on peut devenir ‘serviteur’ et ‘servante’ du Seigneur, or, nous dit Montfort, ‘par les mains de Marie’ est la façon la plus directe : « Qui veut avancer dans la voie de la perfection et trouver sûrement et parfaitement Jésus Christ, qu'il embrasse avec grand cœur, qu'il entre dans le chemin excellent qui lui était inconnu et que je lui montre » (168).
Il ne s’agit point d’une voie latérale dans l’univers de dévotion, mais de la voie principale : à savoir, la fidélité à notre baptême. Cette consécration ne vise rien d’autre que ce que nous faisons à chaque veillée pascale : renouveler nos promesses baptismales. Qu’est ce qu’il y a de particulier ? Voilà : la Vierge Marie viendra nous rejoindre et nous aider.

Marie qui agit

Celui qui introduit Marie dans sa vie de foi, subira un vrai processus de transformation. Il entre dans ‘le monde de Dieu’ et devient de plus en plus ‘christ’ de Dieu, son délégué parmi ses frères les hommes. Voilà ce dont nous avons besoin aujourd’hui.
Montfort cite sept ‘effets merveilleux’ que la consécration qu’il propose, produit en ceux qui y sont fidèles. Il ne s’agit pas d’étapes que l’on parcourt l’une après l’autre, mais d’une description de ce que la Vierge Marie opère. Le chiffre sept pourrait suggérer la perfection.

1. Une connaissance de nous-mêmes

Marie nous aide à découvrir qui nous sommes aux yeux de Dieu. Montfort écrit au 18e siècle, or sur les entrefaites l’homme n’a pas beaucoup changé. En effet, aujourd’hui encore nous sommes tentés de nous faire des illusions sur notre vie spirituelle et notre religion, car notre époque est investie de religions illusoires et nous prenons si facilement nos rêves pour la réalité. Qui sommes-nous dans le grand agir de Dieu ? En nous baptisant, quel est son projet sur nous? Nous avons une place dans le grand projet de Dieu, voilà le message biblique.
Marie nous aide à découvrir l’agir de Dieu et nous fait part de sa profonde humilité. Elle nous aidera à nous situer correctement par rapport à notre environnement, à ceux et celles qui nous entourent, et surtout à Dieu lui-même (213).

2. Elle nous partage à sa foi

Poitiers
Elle nous fait part de sa foi, nous dit Montfort qui se sert de superlatifs étonnants : sa foi est plus grande que celle des patriarches, prophètes, apôtres et saints réunis. En réalité il y a de ces données qu’on ne peut jamais comparer. Par exemple, la détresse d’une maman perdant son enfant est immesurable, et on ne peut la comparer avec celle d’un partenaire trompé. La joie intense d’un enfant est incomparable avec celle du gagneur du grand lot.
De même on ne peut mesurer la foi de Marie, de plus la Vierge Marie est un ‘cas’ hors pair. Pensons à Paul qui, pour indiquer le tournant décisif dans l’histoire, dit : « Quand furent accomplis les temps, Dieu envoya son fils, né de la femme." La qualité d’accueil de la part de Marie, sa foi et sa fidélité étaient telles qu’elle dépasse les grandes figures aussi bien de l’Ancien que celles du Nouveau Testament. Marie vous fait part de sa foi, nous dit Montfort.
Puis, il décrit la foi de Marie qui naîtra en nous : « …une foi pure, qui fera que vous ne vous soucierez guère du sensible et de l'extraordinaire; une foi vive et animée par la charité … une foi ferme et inébranlable comme un rocher…  une foi agissante et perçante… une foi courageuse, qui vous fera entreprendre et venir à bout de grandes choses pour Dieu et le salut des âmes. Une foi qui sera votre flambeau enflammé, votre … arme toute-puissante dont vous vous servirez pour éclairer ceux qui sont dans les ténèbres et l'ombre de la mort, pour embraser ceux qui sont tièdes et qui ont besoin de l'or embrasé de la charité, pour donner vie à ceux qui sont morts par le péché, pour toucher et renverser, par vos paroles douces et puissantes, les cœurs de marbre et les cèdres du Liban, et enfin pour résister au diable et à tous les ennemis du salut » (214).

Avez-vous remarqué que Montfort dit explicitement que Marie nous ‘fait part de sa foi’ ? Je répète ce que j’ai dit précédemment : on ne peut pas construire sa foi. Elle est suscitée par un vis-à-vis qui la provoque. Il arrive qu’on entend dire : " Je n’ai plus la foi " ou " je ne crois plus ", avec l’accent sur le ‘je’. Comme si c’est moi qui étais la seule personne active dans le domaine de la foi. C’est comme l’amour que l’on reçoit et que l’on donne. Sans cette interaction, l’amour n’est pas complet. De même pour la foi, on la reçoit et on la donne. Marie nous fait part de sa foi.
Monsieur Blain, ami intime de Montfort et devenu chanoine à la cathédrale de Rouen, note dans ses Mémoires que c’est grâce à la Vierge Marie que Montfort a pu progresser à pas de géant sur le chemin de la foi.

3. Elle dilate notre cœur

Montbernage
Marie neutralisera la peur et bannit la crainte servile dont nous sommes souvent victimes. Elle nous libère du scrupule et du respect humain. Elle fait naître " … le pur amour dont elle a le trésor. Vous ne vous conduisez plus ‘par crainte de Dieu de charité’ ", dit Montfort. La loi et les commandements ne sont plus expérimentés comme une contrainte à la liberté, mais comme un chemin qui libère (215).

4. Elle nous inspire une confiance solide

Marie inspire une confiance sans limites en les promesses de Dieu. Non pas une confiance téméraire ou arrogante, car ce n’est pas une confiance en nous-mêmes et en nos propres forces, mais uniquement en Dieu qui est fidèle et en la Vierge Marie, qui montrera qu’elle est une vraie maman. Elle se dévouera en notre faveur, ou comme notre auteur l’a déjà dit, Marie se consacrera à nous (215).

Les temps modernes ont fait croire que nous n’avons pas besoin d’un Dieu pour créer un monde plus humain. Or, en relisant l’histoire ancienne et récente, nous devons conclure jusqu’à quel point nous sommes incapables de nous sauver nous-mêmes et le monde avec nous, et comment le monde souffre d’un manque d’espérance. En dépit de ce qui arrive, nous gardons confiance en la Parole de Dieu : Il est fidèle.

5. Elle communique ses propres attitudes

ND de la Route
Marie nous revêt de sa propre sainteté. Montfort se sert d’une expression très forte : nous deviendrons des ‘copies vivantes’ de Marie.  C’est pourquoi « le Saint Esprit, trouvant sa chère épouse comme reproduite dans les âmes, y surviendra abondamment et les remplira de ses dons, particulièrement du don de la sagesse pour opérer des merveilles de grâce. »  (217).

6. Elle enfante en notre âme son Fils

Lorsque Marie nous confie son état d’âme, le miracle de l’Annonciation peut se refaire aussi en nous. L’Esprit Saint nous prendra sous son ombre et ce qui naîtra de nous est de Dieu... nous serons capables d’accomplir des ‘œuvres divines’. « Si Marie, qui est l'arbre de vie, est bien cultivée en votre âme par la fidélité aux pratiques de cette dévotion, elle portera son fruit en son temps; et ce fruit n'est autre que Jésus Christ » (218).

Montfort cite saint Augustin qui appelle Marie ‘le moule de Dieu’, ‘le moule propre à former et mouler des dieux’. Il compare l’œuvre d’un sculpteur avec le résultat de celui qui s’est servi d’un moule impeccable pour reproduire Dieu et il pose la question rhétorique : quelle œuvre ressemblera le plus à Dieu tel qu’il est ? La réponse est simple, mais il y a une condition: « O la belle et véritable comparaison! Mais qui la comprendra? Je désire que ce soit vous, mon cher frère. Mais souvenez-vous qu'on ne jette en moule que ce qui est fondu et liquide: c'est-à-dire qu'il faut détruire et fondre en vous le vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie » (221).

7. Elle fait avancer plus vite

Celui qui choisit de passer par Marie pour aller à Jésus, avancera plus vite que celui qui chemine tout seul. « Par cette pratique, bien fidèlement observée, vous donnerez à Jésus Christ plus de gloire en un moins de temps que par aucune autre, quoique plus difficile et en plusieurs années ». Il s’agit d’une transformation de nous-mêmes, d’une nouvelle naissance à laquelle Jésus référait pour entrer dans le monde de Dieu. « Voici ta mère » disait Jésus au disciple présent au pied de la croix.
Notons qu’il n’y a rien de magique à la formule de consécration que Montfort propose. Il s’agit d’un cheminement assidu et des attitudes à acquérir : « cette pratique bien fidèlement observée », nous dit-il (222).

Pour pratiquer cette dévotion, Montfort offrira par la suite une pédagogie concrète.

Frans Fabry

Lecture dans La Vraie Dévotion 213 - 225

Ci-dessous, vous trouvez tout les numéros qui réfèrent avec ce qui est écrit dans l'article ci-dessus.

LES EFFETS MERVEILLEUX 

QUE CETTE DEVOTION PRODUIT 
DANS UNE AME QUI Y EST FIDELE.


213. Mon cher frère, soyez persuadé que si vous vous rendez fidèle aux pratiques intérieures, que je vous marquerai ci- après: [226-256, 257-265] [Connaissance et mépris de soi-même]
1º Par la lumière que le Saint-Esprit vous donnera par Marie, sa chère Epouse, vous connaîtrez votre mauvais fonds, votre corruption et votre incapacité à tout bien, si Dieu n'en est le principe comme auteur de la nature ou de la grâce, et, en suite de cette connaissance, vous vous mépriserez, vous ne penserez à vous qu'avec horreur. Vous vous regarderez comme un limaçon qui gâte tout de sa bave, ou comme un crapaud qui empoisonne tout de son venin, ou comme un serpent malicieux qui ne cherche qu'à tromper. Enfin l'humble Marie vous fera part de sa profonde humilité, qui fera que vous vous mépriserez, vous ne mépriserez personne et vous aimerez le mépris.

[Participation à la foi de Marie] 214.La Sainte Vierge vous donnera part à sa foi, qui a été plus grande sur la terre que la foi de tous les patriarches, les prophètes, les apôtres et tous les saints. Présentement qu'elle est régnante dans les cieux, elle n'a plus cette foi, parce qu'elle voit clairement toutes choses en Dieu, par la lumière de la gloire; mais cependant, avec l'agrément du Très- Haut, elle ne l'a pas perdue en entrant dans la gloire; elle l'a gardée pour la garder dans l'Eglise militante à ses plus fidèles seviteurs et servantes. Plus donc vous gagnerez la bienveillance de cette auguste Princesse et Vierge fidèle, plus vous aurez de pure foi dans toute votre conduite: une foi pure, qui fera que vous ne vous soucierez guère du sensible et de l'extraordinaire; une foi vive et animée par la charité, qui fera que vous ne ferez vos actions que par le motif du pur amour; une foi ferme et inébranlable comme un rocher, qui fera que vous demeurerez ferme et constant au milieu des orages et des tourmentes; une foi agissante et perçante, qui, comme un mystérieux passe-partout, vous donnera entrée dans les mystères de Jésus-Christ, dans les fins dernières de l'homme et dans le coeur de Dieu même; une foi courageuse, qui vous fera entreprendre et venir à bout de grandes choses pour Dieu et le salut des âmes, sans hésiter; enfin, une foi qui sera votre flambeau enflammé, votre vie divine, votre trésor caché de la divine Sagesse, et votre arme toute-puissante dont vous vous servirez pour éclairer ceux qui sont dans les ténèbres et l'ombre de la mort, pour embraser ceux qui sont tièdes et qui ont besoin de l'or embrasé de la charité, pour donner vie à ceux qui sont morts par le péché, pour toucher et renverser, par vos paroles douces et puissantes, les coeurs de marbre et les cèdres du Liban, et enfin pour résister au diable et à tous les ennemis du salut.

[Grâce du pur amour] 215. 3º Cette Mère de la belle dilection ôtera de votre coeur tout scrupule et toute crainte servile déréglée: elle l'ouvrira et l'élargira pour courir dans les commandements de son Fils, avec la sainte liberté des enfants de Dieu, et pour y introduire le pur amour, dont elle a le trésor; en sorte que vous ne vous conduirez plus, tant que vous avez fait, par crainte à l'égard de Dieu charité, mais par le pur amour. Vous le regarderez comme votre bon Père, auquel vous tâcherez de plaire incesamment, avec qui vous converserez confidemment, comme un enfant avec son bon père. Si vous venez, par malheur, à l'offenser, vous vous en humilierez aussitôt devant lui, vous lui en demanderez pardon humblement, vous lui tendrez la main simplement et vous vous en relèverez amoureusement, sans trouble ni inquiétude, et continuerez à marcher vers lui sans découragement.

[Grande confiance en Dieu et en Marie] 216.La Sainte Vierge vous remplira d'une grande confiance en Dieu et en elle-même: 1º parce que vous n'approcherez plus de Jésus-Christ par vous-même, mais toujours par cette bonne Mère; 2º parce que, lui ayant donné tous vos mérites, grâces et satisfactions, pour en disposer à sa volonté, elle vous communiquera ses vertus et elle vous revêtira de ses mérites, en sorte que vous pourrez dire à Dieu avec confiance: Voici Marie votre servante: qu'il me soit fait selon votre parole: Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum; 3º parce que, vous étant donné à elle tout entier, corps et âme, elle qui est libérale avec les libéraux et plus libérale que les libéraux mêmes, se donnera à vous par retour d'une manière merveilleuse, mais véritalble; en sorte que vous pourrez lui dire hardiment: Tuus sum ego, salvum me fac: Je suis à vous, Sainte Vierge, sauvez-moi; ou comme j'ai déjà dit, avec le Disciple bien-aimé: Accepi te in mea: Je vous ai prise, sainte Mère, pour tous mes biens. Vous pourrez encore dire, avec saint Bonaventure: Ecce Domina salvatrix mea, fiducialiter agam, et non timebo, quia fortitudo mea, et laus mea in Domino es tu...; et en un autre endroit: Tuus totus ego sum, et omnia mea tua sunt, o Virgo gloriosa, super omnia benedicta; ponam te ut signaculum super cor meum, quia fortis est ut mors dilectio tua (S. Bon. In psal. min. B.V.) Ma chère Maîtresse et salvatrice, j'agirai avec confiance et je ne craindrai point, parce que vous êtes ma force et ma louange dans le Seigneur... Je suis tout vôtre, et tout ce que j'ai vous appartient; ô glorieuse Vierge, bénite par-dessus toutes choses créées, que je vous mette comme un cachet sur mon coeur, parce que votre dilection est forte comme la mort! Vous pourriez dire à Dieu dans les sentiments du Prophète: Domine, non est exaltatum cor meum, neque elati sunt oculi mei; neque ambulavi in magnis, neque in mirabilibus super me; si non humiliter sentiebam, sed exaltavi animam; sicut ablactatus super matre sua, ita retributio in anima mea: Seigneur, ni mon coeur, ni mes yeux n'ont aucun sujet de s'élever et de s'enorgueillir, ni de rechercher les choses grandes et merveilleuses; et, avec cela, je ne suis pas encore humble, mais j'ai relevé et encouragé mon âme par la confiance; je suis comme un enfant sevré des plaisirs de la terre et appuyé sur le sein de ma mère; et c'est sur ce sein qu'on me comble de biens. 4º Ce qui augmentera encore votre confiance en elle, c'est que, lui ayant donné en dépôt tout ce que vous avez de bon pour le donner ou le garder, vous aurez moins de confiance en vous et beaucoup plus en elle, qui est votre trésor. Oh! quelle confiance et quelle consolation pour une âme qui peut dire que le trésor de Dieu, où il a mis tout ce qu'il a de plus précieux, est le sien aussi! Ipsa est thesaurus Domini: Elle est, dit un saint, le trésor du Seigneur.

[Communication de l'âme et de l'esprit de Marie] 217. 5º L'âme de la Sainte Vierge se communiquera à vous pour glorifier le Seigneur; son esprit entrera en la place du vôtre pour se réjouir en Dieu, son salutaire, pourvu que vous vous rendiez fidèle aux pratiques de cette dévotion. Sit in singulis anima Mariae ut magnificet Dominum; sit in singulis spiritus Mariae ut exultet in Deo (S. Amb): Que l'âme de Marie soit en chacun pour y glorifier le Seigneur; que l'eprit de Marie soit en chacun, pour s'y réjouir en Dieu. Ah! quand viendra cet heureux temps, dit un saint homme de nos jours qui était tout perdu en Marie, ah! quand viendra cet heureux temps où la divine Marie sera établie maîtresse et souveraine dans les coeurs, pour les soumettre pleinement à l'empire de son grand et unique Jésus. Quand est-ce que les âmes respireront autant Marie que les corps respirent l'air? Pour lors, des choses merveilleuses arriveront dans ces bas lieux, où le Saint-Esprit, trouvant sa chère Epouse comme reproduite dans les âmes, y surviendra abondamment et les remplira de ses dons, et particulièrement du don de sa sagesse, pour opérer des merveilles de grâces. Mon cher frère, quand viendra ce temps heureux et ce siècle de Marie, où plusieurs âmes choisies et obtenues du Très-Haut par Marie, se perdant elles- mêmes dans l'abîme de son intérieur, deviendront des copies vivantes de Marie, pour aimer et glorifier Jésus-Christ? Ce temps ne viendra que quand on connaîtra et on pratiquera la dévotion que j'enseigne: Ut adveniat regnum tuum, adveniat regnum Mariae.

[Transformation des âmes en Marie à l'image de Jésus-Christ] 218. 6º Si Marie, qui est l'arbre de vie, est bien cultivée en votre âme par la fidélité aux pratiques de cette dévotion, elle portera son fruit en son temps; et ce fruit n'est autre que Jésus-Christ. Je vois tant de dévots et dévotes qui cherchent Jésus-Christ, les uns par une voie et une pratique, les autres par l'autre; et souvent après qu'ils ont beaucoup travaillé pendant la nuit, ils peuvent dire: Per totam noctem laborantes, nihil cepimus: Quoique nous ayons travaillé pendant toute la nuit, nous n'avons rien pris. Et on peut leur dire: Laborastis multum, et intulistis parum: Vous avez beaucoup travaillé, et vous avez peu gagné. Jésus-Christ est encore bien faible chez vous. Mais par la voie immaculée de Marie et cette pratique divine que j'enseigne, on travaille pendant le jour, on travaille dans un lieu saint, on travaille peu. Il n'y a point de nuit en Marie, puisqu'il n'y a point eu de péché ni même la moindre ombre. Marie est un lieu saint, et le Saint des saints, où les saints sont formés et moulés.

219. Remarquez, s'il vous plait, que je dis que les saints sont moulés en Marie. Il y a une grande différence entre faire une figure en relief, à coups de marteau et de ciseau, et faire une figure en la jetant en moule: les sculpteurs et statuaires travaillent beaucoup à faire les figures dans la première manière, et il leur faut beaucoup de temps; mais à les faire dans la seconnde manière, ils travaillent peu et les font en fort peu de temps. Saint Augustin appelle la Sainte Vierge forma Dei: le moule de Dieu: Si formam Dei te appellem, digna existis: le moule propre à former et mouler des dieux. Celui qui est jeté dans ce moule divin est bientôt formé en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en lui: à peu de frais et en peu de temps, il deviendra dieu, puisqu'il est jeté dans le même moule qui a formé un Dieu.

220. Il me semble que je puis fort bien comparer des directeurs et personnes dévotes qui veulent former Jésus- Christ en soi ou dans les autres par d'autres pratiques que celle-ci, à des sculpteurs qui, mettant leur confiance dans leur savoir-faire, leurs industries et leur art, donnent une infinité de coups de marteau et de ciseau à une pierre dure, ou une pièce de bois mal polie, pour en faire l'image de Jésus-Christ; et quelquefois ils ne réussissent pas à exprimer Jésus-Christ au naturel, soit faute de connaissance et d'expérience de la personne de Jésus-Christ, soit à cause de quelque coup mal donné, qui a gâté l'ouvrage. Mais, pour ceux qui embrassent ce secret de la grâce que je leur présente, je les compare avec raison à des fondeurs et mouleurs qui, ayant trouvé le beau moule de Marie, où Jésus-Christ a été naturellement et divinement formé, sans se fier à leur propre industrie, mais uniquement à la bonté du moule, se jettent et se perdent en Marie pour devenir le portrait au naturel de Jésus-Christ.

221. O la belle et véritable comparaison! Mais qui la comprendra? Je désire que ce soit vous, mon cher frère. Mais souvenez-vous qu'on ne jette en moule que ce qui est fondu et liquide: c'est-à-dire qu'il faut détruire et fondre en vous le vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie.

[La plus grande gloire de Jésus-Christ] 222. 7º Par cette pratique, bien fidèlement observée, vous donnerez à Jésus-Christ plus de gloire en un mois de temps que par aucune autre, quoique plus difficile, en plusieurs années. - Voici les raisons de ce que j'avance:
1º Parce que, faisant vos actions par la Sainte Vierge, comme cette pratique enseigne, vous quittez vos propres intentions et opérations, quoique bonnes et connues, pour vous perdre, pour ainsi dire, dans celles de la Très Sainte Vierge, quoiqu'elles vous soient inconnues; et, par là, vous entrez en participation de la sublimité de ses intentions, qui ont été si pures, qu'elle a plus donné de gloire à Dieu par la moindre de ses actions, par exemple en filant sa quenouille, en faisant un point d'aiguille, qu'un saint Laurent sur son gril, par son cruel martyre, et même que tous les saints par leurs actions les plus héroïques: ce qui fait que, pendant son séjour ici-bas, elle a acquis un comble si ineffable de grâces et de mérites, qu'on compterait plutôt les étoiles du firmament, les gouttes d'eau de la mer et les sables du rivage, que ses mérites et ses grâces, et qu'elle a donné plus de gloire à Dieu que tous les anges et les saints ne lui ont donné ni ne lui en donneront. O prodige de Marie! vous n'êtes capable que de faire des prodiges de grâces dans les âmes qui veulent bien se perdre en vous.

223. 2º Parce qu'une âme, par cette pratique, ne comptant pour rien tout ce qu'elle pense ou fait d'elle-même, et ne mettant son appui et sa complaisance que dans les dispositions de Marie, pour approcher de Jésus-Christ, et même pour lui parler, elle pratique beaucoup plus l'humilité que les âmes qui agissent par elles-mêmes, et qui ont un appui et une complaisance imperceptible dans leurs dispositions; et, par conséquent, elle glorifie plus hautement Dieu, qui n'est parfaitement glorifié que par les humbles et les petits de coeur.

224. 3º Parce que la Sainte Vierge, voulant bien, par une grande charité, recevoir en ses mains virginales le présent de nos actions, elle leur donne une beauté et un éclat admirable; elle les offre elle-même à Jésus-Christ, et sans difficulté, que Notre-Seigneur en est plus glorifié que si nous les offrions par nos mains criminelles. [146-149]

225. 4º Enfin, parce que vous ne pensez jamais à Marie, que Marie, en votre place, ne pense à Dieu; vous ne louez ni n'honorez jamais Marie, que Marie avec vous ne loue et n'honore Dieu. Marie est toute relative à Dieu, et je l'appellerais fort bien la relation de Dieu, qui n'est que par rapport à Dieu, ou l'écho de Dieu, qui ne dit et ne répète que Dieu. Si vous dites Marie, elle dit Dieu. Sainte Elisabeth loua Marie et l'appela bienheureuse de ce qu'elle avait cru; Marie, l'écho fidèle de Dieu, entonna: Magnificat anima mea Dominum: Mon âme glorifie le Seigneur. Ce que Marie a fait en cette occasion, elle le fait tous les jours; quand on la loue, on l'aime, on l'honore ou on lui donne, Dieu est loué, Dieu est aimé, Dieu est honoré, on donne à Dieu par Marie et en Marie.