La Vraie Dévotion de Montfort (243-256)
S’associer à Dieu
Le propre de cette dévotion
À ceux qui veulent s’associer à Dieu Montfort donne ce conseil : « Ils
auront une singulière dévotion pour le grand mystère de l'Incarnation du Verbe,
le 25 de mars, qui est le propre mystère de cette dévotion… » (243). Mettant
d’abord le focus sur Jésus incarné, Montfort exprime son étonnement :
comment a-t-Il osé dépendre de Marie à ce point-là. En effet, dans cette
situation Il s’est fait captif, Il n’avait plus de liberté d’action, il était esclave.
Cette audace et cette dépendance totale nous sert d’exemple: nous ne devons pas
hésiter à dépendre de la Vierge Marie !
Puis Montfort regarde la personne de Marie et se met à raisonner. Si le
Fils de Dieu a osé se rendre dépendant de Marie à ce point-là, cette jeune
femme devait avoir des qualités exceptionnelles. Il n’y a pas de doute, avec
soin Dieu a dû préparer un cœur humain noble qui ne Le trahirait jamais. Pour
décrire cette œuvre, Montfort parle d’un acte créateur sublime :
« Enfin le temps marqué pour la rédemption des hommes étant arrivé la
Sagesse éternelle ( = Dieu Créateur) se fit elle-même une maison, une demeure
digne d'Elle. Elle créa et forma la divine Marie, dans le sein de sainte Anne,
avec plus de plaisir qu'elle n'avait pris en créant l'univers… » (Amour de la Sagesse Eternelle 105). Avec
aisance on peut dire que Marie est une femme hors pair.
Malgré les critiques, Montfort n’hésite pas à choisir des termes
provocateurs, il veut faire réfléchir les gens. Ici il fait preuve de
prudence : « Remarquez, s'il vous plait, que je dis ordinairement:
l'esclave de Jésus en Marie, l'esclavage de Jésus en Marie. On peut, à la
vérité, comme plusieurs ont fait jusqu'ici, dire l'esclave de Marie,
l'esclavage de la Sainte
Vierge ; mais je crois qu'il vaut mieux qu'on se dise
l'esclave de Jésus en Marie… » (244). La dévotion qu’il propose est une
imitation de Jésus Christ qui, sans la moindre retenue, s’est livrée à la
bienveillance maternelle de Marie.
L’Ave Maria
Comme cinquième exercice il propose la pratique de l’Ave Maria et du rosaire.
Avec bien d’autres qui l’ont précédé, pour indiquer le fruit de cette petite
prière, il se sert d’un vocabulaire biblique. Le cœur humain est comparé à une
terre sèche, incapable de produire un Dieu. Seule une fécondité venant de
l’extérieur peut changer cette situation, or c’est ce qui est arrivé à la
Vierge Marie. La prière de l’Ave nous introduit dans la sphère du Dieu
agissant : « C'est cette prière qui a fait porter à la terre sèche et
stérile le fruit de vie, et c'est cette même prière, bien dite, qui fait germer
en nos âmes la parole de Dieu et porter le fruit de vie, Jésus Christ. L'Ave
Maria est une rosée céleste qui arrose la terre, c'est-à-dire l'âme pour la
faire porter son fruit en son temps… » (249).
Dans la deuxième partie de l’Ave on fait humblement appel à Marie pour
qu’elle nous aide à nous mettre fidèlement au service du Seigneur, tout comme
elle.
Quant au rosaire, dans La Vraie
Dévotion Montfort ne fait que citer la prière, ailleurs il donne des
orientations pour la rendre fructueuse, il a même consacré un petit livre à ce
sujet : Le Secret admirable du très
saint Rosaire. À son tour Jean-Paul II a actualisé cette prière. Accompagné
de Marie, il propose de parcourir vingt étapes de la vie de Jésus, de Le
contempler et L’écouter, puis de méditer l’événement dans son cœur.
Par l'amour
que je vous porte
Rien d’étonnant qu’à l’occasion de l’Année de la Foi,
Rome a suggéré la pratique journalière du rosaire. S’il vous est impossible de
méditer les vingt mystères, prenez-en chaque jour quelques-uns. Le rosaire est
une bonne école de la foi, une école avec Marie comme maîtresse.
Le Magnificat
Comme sixième pratique, Montfort conseille la prière du Magnificat, né dans
le cœur de Marie. L’évangéliste termine l’épisode de l’annonce sèchement :
« Et l’ange la quitta. » Après le ‘oui’ généreux, Luc ne note aucune réaction
de la part de l’ange. Marie était seule. Mais le récit continue: « Elle
partit en hâte pour se rendre dans le haut pays, dans une ville de Juda. »
Ici deux éléments me frappent, d’abord l’expression ‘en hâte’ qui réfère à des
émotions dans son cœur, puis la donnée géographique ‘le haut pays, dans une
ville de Juda’. Comme je passe souvent dans la région avec les pèlerins, ces
deux éléments m’inspirent.
La cousine de Marie habitait la région de Jérusalem. Il est secondaire de
savoir si c’était bien à l’endroit précis indiqué à Ein Karem, pour moi ce qui
attire l’attention c’est la distance de Nazareth à cette région en Judée: au
moins sept jours de marche et de préférence pas seule, mais jointe à une
caravane. A-t-elle parlé avec les autres voyageurs, a-t-elle raconté ce qu’elle
venait de vivre à Nazareth ? J’en doute. Qui est-ce qui l’aurait
cru?
Quand elle entend la salutation de sa cousine son cœur ‘explose’. Voilà l’explication
de son empressement et de ce qui s’est passé dans son esprit tout au long du
voyage. Sans cesse des bouts de psaumes et des scènes de la Bible ont retentit
dans son cœur, elle les a médité, elle les a relié les uns aux autres. C’est
ainsi que le Magnificat est né. Marie loue le Dieu agissant à travers
l’histoire et confesse sa foi : avec l’événement vécu à Nazareth s’est
réalisé l’accomplissement de la promesse faite à Abraham et à sa descendance
pour toujours. Dieu est fidèle, Il accomplit ce qu’Il a promis et – très
important – cela grâce à son ‘oui’ généreux. Le Magnificat est une forte
confession de foi.
Cette foi de Marie sera donnée à ceux et celles qui se confient à elle. Le
Magnificat est le cantique des croyants. « L'âme de la Sainte Vierge se
communiquera à vous pour glorifier le Seigneur; son esprit entrera en la place
du vôtre pour se réjouir en Dieu, son salutaire, pourvu que vous vous rendiez
fidèles aux pratiques de cette dévotion… Que l'âme de Marie soit en chacun pour
y glorifier le Seigneur; que l'esprit de Marie soit en chacun, pour s'y réjouir
en Dieu » (217).
Se connaître soi-même
Ici Montfort consacre à peine une phrase à la dernière pratique qu’il
conseille à ceux qui veulent s’associer au Seigneur, précédemment il l’a
développé longuement (cf. 78-82 et 87-88). Tirés du contexte, aujourd’hui comme
il y a 300 ans, plusieurs s’indigneraient en lisant ces quelques mots:
« Les fidèles serviteurs de Marie doivent beaucoup mépriser, haïr et fuir
le monde corrompu, et se servir des pratiques de mépris du monde que nous avons
données dans la première partie ce cet écrit » (256). Il s’agit du choix
fondamental auquel Jésus réfère quand il dit qu’on ne peut servir deux maîtres.
Une bonne dose de connaissance de soi-même est une sagesse précieuse, pensons par
exemple à la parabole du pharisien et du publicain.
Ainsi notre auteur termine la
série des pratiques extérieures ‘qu’il ne faut pas omettre par négligence
ou par mépris’, ajoute-t-il. La vraie foi demande de la pratique.
Frans Fabry