Commentaire sur La Vraie Dévotion de Montfort (134 - 182)
Montfort éveille l’esprit du
lecteur
« Il
faut maintenant que nous voyions, le plus brièvement que nous pourrons, les
motifs qui doivent nous rendre cette dévotion
recommandable», Montfort au n°134. Après avoir développé le spécifique de la
‘dévotion’, il consacre ses énergies à éveiller l’esprit du lecteur et
l’encourager à se jeter dans les bras de la Sainte Vierge, étant convaincu que
c’est la façon la plus efficace pour contribuer au Règne de Dieu. Le service de Dieu, voilà l’unique objectif.
L’excellence de cette ‘dévotion’
L’auteur
commence par une constatation. On ne peut concevoir d’emploi plus relevé que le
service de Dieu ; il n’y a pas de serviteur plus noble que celui qui se
dévoue à son service entièrement et sans réserve. « Tel est un fidèle et
amoureux esclave de Jésus en Marie, qui s'est donné tout entier au service de
ce Roi des rois, par les mains de sa sainte Mère, et qui n'a rien réservé pour
soi-même » (135). Et il n’y a pas de doute, le Seigneur sera généreux
vis-à-vis de celui qui se montre généreux envers lui.
L’agir de Dieu dans les évangiles
Montfort ne
fait pas ici une exégèse au sens strict du terme, mais lisant entre les lignes
des évangiles, il s’étonne devant l’humiliation du Seigneur qui s’incarne. Lui,
de condition divine, a pris la condition du serviteur ! Voilà une image
inattendue de notre Dieu. « C'est ici, dit l’auteur, que l'esprit humain
se perd, lorsqu'il fait une sérieuse réflexion à cette conduite de la Sagesse incarnée, qui n'a
pas voulu, quoiqu'elle pût le faire, se donner directement aux hommes, mais par
la Très Sainte
Vierge; qui n'a pas voulu venir au monde à l'âge d'un homme parfait,
indépendant d'autrui, mais comme un pauvre et petit enfant, dépendant des soins
et de l'entretien de sa sainte Mère » (139).
L’auteur résume
ce qu’il a écrit précédemment quant à la place unique de la Vierge Marie dans
l’agir du Père, du Fils et du Saint Esprit (cf. 14-39) : « Le Père
n'a donné et ne donne son Fils que par elle, ne se fait des enfants que par
elle, et ne communique ses grâces que par elle; Dieu le Fils n'a été formé pour
tout le monde et engendré que par elle dans l'union au Saint-Esprit, et ne
communique ses mérites et ses vertus que par elle; le Saint-Esprit n'a formé
Jésus-Christ que par elle, ne forme les membres de son Corps mystique que par
elle, et ne dispense ses dons et faveurs que par elle ». Et il conclut :
« Après tant et de si pressants exemples de la très Sainte Trinité,
pouvons-nous, sans un extrême aveuglement, nous passer de Marie, et ne pas nous
consacrer à elle, et dépendre d'elle pour aller à Dieu et pour nous sacrifier à
Dieu? » (140).
La Vierge Marie prend sa mission à cœur !
« La
Vierge Marie qui ne se laisse jamais vaincre en amour et en générosité…se donne
aussi tout entière et d'une manière ineffable à celui qui lui donne tout. Elle
… l'éclaire de sa lumière; elle l'embrase de son amour; elle lui communique ses
vertus : son humilité, sa foi, sa pureté… Enfin, comme cette personne
consacrée est toute à Marie, Marie est aussi toute à elle… » (144). Voilà
ce qui arrive à celui qui fait comme saint Jean et ‘prend Marie pour tous ses
biens’. Cette présence active transformera progressivement cette personne et,
comme Montfort le dira plus loin, de plus en plus elle deviendra semblable à
Marie.
Contribuer à la gloire de Dieu
A plusieurs
reprises dans la Bible, le Seigneur rappelle aux hommes que ses pensées ne sont
pas nos pensées, alors qui peut prétendre savoir ce qui est le plus profitable
pour la gloire de Dieu (la gloire de Dieu étant la réalisation de son grand
projet ‘terre nouvelle et cieux nouveaux’) ? Montfort :
« Presque personne n'agit pour cette noble fin, quoiqu'on y soit obligé,
soit parce qu'on ne connait pas où est la plus grande gloire de Dieu, soit
parce qu'on ne la veut pas. Mais la Très Sainte Vierge, à qui on cède la valeur et le
mérite de ses bonnes œuvres, connaît parfaitement où est la plus grande gloire
de Dieu ». C’est pourquoi n’hésitez pas à lui confier tous vos
engagements.
Un chemin de choix : il conduit à l’union au
Christ
« Cette
dévotion est un chemin aisé, court,
parfait et assuré pour arriver à l'union avec Notre-Seigneur, où consiste
la perfection du chrétien » et l’auteur précise :
1°. C'est un chemin aisé, « un chemin que
Jésus Christ a frayé en venant à nous, et où il n'y a aucun obstacle pour
arriver à lui. On peut, à la vérité, arriver à l'union divine par d'autres
chemins; mais ce sera par beaucoup plus de croix…, de plus, des grands saints
ont passé par ce chemin aisé que le Saint Esprit leur a montré (152).
2º Cette
dévotion est un chemin court pour
trouver Jésus Christ. Il n’est pas toujours facile de vivre en chrétien, soit
parce qu'on est faible, soit qu’on hésite à faire des choix, « mais, avec
l'appui, l'aide et la conduite de Marie, sans tomber, sans reculer et même sans
se retarder, on avancera à pas de géant vers Jésus Christ » (155).
Montfort engage son autorité : « c'est dans le sein de Marie, dis-je,
que les jeunes gens deviennent des vieillards en lumière, en sainteté, en
expérience et en sagesse, et qu'on parvient en peu d'années jusqu'à la
plénitude de l'âge de Jésus Christ » (156). Une fois de plus, Montfort
définit l’idéal du chrétien : arriver à la plénitude de l’âge de
Jésus !
3º Cette
dévotion est un chemin parfait pour
aller et s'unir à Jésus Christ. Plus haut Montfort marquait que le mystère de
l’incarnation dépasse de loin la capacité de l’intelligence humaine, ici il se
sert d’une image concrète et parle du ‘grand et admirable voyage’ que le
Seigneur a entrepris pour venir rejoindre les hommes. « L'Inaccessible
s'est approché, s'est uni étroitement, parfaitement et même personnellement à
notre humanité par Marie, sans rien perdre de sa Majesté ». Lors de ce
voyage, le séjour de Jésus dans le sein de sa mère était une étape importante. Dans
ce même milieu, le sein de Marie, aura lieu un autre aspect de l’incarnation :
la transformation de l’homme à l’image de Dieu: « Celui qui Est a voulu venir à ce qui n'est pas, et
faire que ce qui n'est pas devient Dieu ou Celui qui Est… » (157). Comme
Jésus l’exprimait devant le vieux Nicodème, tout étonné : « à moins
de naître d’en-haut, nul ne peut voir le Royaume d’en-haut » (Jn 3,3). Il
nous faut renaître, et pour toute naissance une mère est indispensable.
4º Cette
dévotion à la Très Sainte Vierge est un chemin
assuré. Pour argumenter cet énoncé, il réfère à l’histoire chrétienne et
cite des témoignages de théologiens et personnes d’autorité qui sont parvenus à
la sainteté. Sa conclusion : « Quiconque donc, sans crainte
d'illusion, veut avancer dans la voie de la perfection et trouver sûrement et
parfaitement Jésus Christ, qu'il embrasse avec grand cœur cette dévotion à la Très Sainte Vierge,
qu'il n'avait peut-être pas encore connue » (168).
La liberté des enfants de Dieu
« Cette
pratique de dévotion donne une grande liberté intérieure, qui est la liberté
des enfants de Dieu ». C’est paradoxal : se donner
pleinement à quelqu’un et acquérir une grande liberté, mais souvent c’est une
grande vérité, surtout dans ce cas, car on se donne à Jésus et à Marie qui élargissent
le cœur de l’homme et y créent de la place pour beaucoup d’autres. Montfort
ajoute une petite histoire illustrative (169-170).
Et l’amour du prochain ?
Le missionnaire
a dû répondre souvent à des questions de personnes inquiètes qui s’imaginaient
qu’en se livrant entièrement à Jésus et à Marie, elles faisaient du tort à
leurs proches, ceux pour qui elles priaient et faisaient des sacrifices. C’est
pourquoi dans son écrit il fit réfléchir le lecteur en disant qu’il est
impensable que Dieu, qui est amour, ferrait du tort, ni à ceux qui s’engagent
pleinement à son service, ni à leurs proches !
Un moyen efficace pour rester fidèle
Une dernière
réflexion du missionnaire : on porte souvent le trésor de nos bonnes
intentions dans un vaisseau fragile. Un oubli ou une inattention peuvent
procurer des fissures, voire de la casse. Marie qui est restée fidèle dans les pires
circonstances, vient au secours de celui qui trébuche. « Elle obtient la
fidélité à Dieu et la persévérance à ceux et celles qui s'attachent à elle.
C'est pourquoi un saint la compare à une ancre ferme, qui les retient et les
empêche de faire naufrage dans la mer agitée de ce monde où tant de personnes
périssent faute de s'attacher à cette ancre ferme… Elle aime ceux qui l’aiment
non seulement d'un amour affectif, mais d'un amour effectif et efficace… »
(175). « La ‘divine’ Marie ne se laisse jamais vaincre en amour et en
libéralité ! » (181).
Frans Fabry