Lettre
26
Si vous saviez mes croix et mes
humiliations par le menu, je doute si vous désireriez si ardemment de me voir;
car je ne suis jamais dans aucun pays que je ne donne un lambeau de ma croix à
porter à mes meilleurs amis, souvent malgré moi et malgré eux. Aucun ne me peut soutenir et n'ose se
déclarer pour moi qu'il n'en souffre, et quelquefois qu'il ne tombe sous les
pieds de l'enfer que je combats, du monde que je contredis, de la chair que je
persécute. Une fourmilière de péchés et
de pécheurs que j'attaque ne me laisse, ni à aucun des miens, aucun repos. Toujours sur le qui-vive, toujours sur les
épines, sur les cailloux piquants, je suis comme une balle dans un jeu de
paume: on ne l'a pas sitôt poussée d'un côté qu'on la pousse de l'autre, en la
frappant rudement. C'est la destinée d'un pauvre pécheur. C'est ainsi que je
suis sans relâche et sans repos, depuis treize ans que je suis sorti de
Saint-Sulpice.
Cependant, ma chère sœur, bénissez-en Dieu
pour moi, car je suis content et joyeux au milieu de toutes mes souffrances, et
je ne crois pas qu'il y ait au monde rien de plus doux pour moi que la croix la
plus amère, quand elle est trempée dans le sang de Jésus crucifié et dans le
lait de sa divine Mère. Mais, outre cette joie intérieure, il y a grand profit
à faire en portant les croix. Je voudrais que vous vissiez les miennes. Je n'ai
jamais plus fait de conversions qu'après les interdits les plus sanglants et
les plus injustes. Courage, ma très
chère sœur, portons tous trois notre croix aux deux extrémités du Royaume.
Portez-la bien de votre côté, je tâcherai de la bien porter du mien, avec la
grâce de Dieu, sans nous plaindre, sans murmurer, sans vous décharger, sans
vous excuser, même sans pleurer comme de petits enfants qui versent des larmes
et se plaindraient de ce qu'on leur donnerait cent livres d'or à porter, ou
comme un laboureur qui se désespérerait de ce qu'on aurait couvert son champ de
louis d'or pour le rendre riche.
- Montfort se définit “une balle dans un jeu de paume”. Il me semble que...
- “Je suis content et joyeux au milieu de toutes mes souffrances”. Puis-je confirmer ces mots-là....
- Cher Louis-Marie, j’ai lu la lettre que tu as écrit à ta soeur......
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