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18 octobre 2011

Catéchèse à l'école de Marie (2)

Commentaire sur 'La Vraie Dévotion' de Montfort  (14 - 46)

Dieu à l’œuvre
Dans l’introduction de cette série, nous avons établi comment Montfort commence par attirer l’attention sur la façon étonnante avec laquelle Dieu est venu vers les hommes, à savoir par Marie. Que pouvons-nous en apprendre? Qu’a-t-elle à faire avec nous?

"Sortie des mains du Très-Haut"
Montfort affirme que Marie est cent pour cent une créature, totalement humaine comme vous et moi. Il emploie pour cela une expression qui se trouve plus d’une fois dans la bible et qui, chez Jérémie, compare Dieu à un potier: sortie des mains du Très-Haut (VD 14). Quand le potier n’est pas content de son œuvre, il la brise et recommence jusqu’à ce qu’il ait un vase qui lui plaise (Jr 18,4). Ainsi Marie est-elle issue des mains du Très-Haut, dans le but qu’il avait, à savoir réaliser un ciel nouveau et une terre nouvelle pour tous les hommes.

La création
Les 72 livres de la bible constituent un ensemble unique et retracent le grand récit de la création avec, en apothéose, la mort et la résurrection de Jésus et son retour au ciel. A partir de ce regard, Paul appelle le Seigneur ressuscité "le Premier-né de toute créature" (Col 1, 15).

Le Pape Benoît XVI − dans son encyclique sur la Parole de Dieu − réfère à un grand processus qui a au lieu: “La révélation biblique est profondément enracinée dans l’histoire. Le plan de Dieu est progressivement devenu visible et s’est réalisé lentement, en phases successives, souvent malgré et à travers l’opposition des hommes. Dieu choisit un peuple et l’éduque avec patience. »

« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils, né d’un femme », c’est ainsi que St Paul, dans sa lettre aux Galates (Ga 4, 4) décrit le moment décisif de l’entrée de Jésus dans l’histoire.  La ‘descente’ de Jésus et son ‘élévation’ vers le Père est un événement irréversible dans l’œuvre créatrice de Dieu et Montfort indique la place que Marie y tient: “Je dis cependant que les choses étant supposées comme elles sont, Dieu ayant voulu commencer et achever ses plus grands ouvrages par la Très Sainte Vierge depuis qu’il l’a formée, il est à croire qu’il ne changera pas de conduite dans les siècles des siècles, car il est Dieu et ne change point en ses sentiments ni en sa conduite” (VD 15). 

Pour exprimer la ‘descente’ de Jésus, Montfort utilise des mots qui renvoient directement au récit de la création: “ Dieu le Fils est descendu dans son sein virginal comme le nouvel Adam dans son paradis terrestre…” (VD 18). Il s’agit clairement de la nouvelle création. Notre auteur entre plus avant dans cet événement et exprime son admiration: “ O admirable et incompréhensible dépendance d’un Dieu ”, et il pointe déjà une de ses réflexions: si Jésus s’est fait si dépendant de Marie, pourquoi devrions-nous nous craindre de dépendre d’elle?

Marie et l’Église
Pour exprimer plus clairement le lien intime qui existe entre Jésus Christ et les baptisés, saint Paul emploie l’image du corps: il s’agit d’un seul corps dont Jésus est la tête et les baptisés sont les membres (1 Co 12, 12-30). Sur cet arrière-fond, Montfort explique le lien entre Marie et les baptisés, l’Église: “Avec Marie et en elle, le Saint-Esprit a produit son chef-d’œuvre qui est un Dieu fait homme. De la même manière, il produit tous les jours, jusqu’à la fin du monde… les membres du corps de ce chef adorable” (VD 20). Montfort développera de plus en plus cette donnée.

Disons quelques mots sur l’actualité de la pensée de Montfort. Il ne possédait bien sûr pas, au 18e siècle, les traductions actuelles de la bible et ne connaissait pas les techniques modernes de l’exégèse, mais ses conclusions sont exactes. Ainsi nous constatons que Vatican II n’a pas contredit ses intuitions quant à la place de Marie et son action efficace envers les croyants mais qu’il les a approfondies. On sait que les évêques belges, avec leurs théologiens, ont apporté une importante contribution à la rédaction des grands documents conciliaires. Quand on demandait au professeur Philips, rédacteur du texte sur Marie, s’il avait alors les écrits de Montfort sous la main, il répondait: je ne les avais pas matériellement sur mon bureau mais je les portais dans mon cœur. En 2003, Jean-Paul II a écrit une lettre spécialement à la Famille montfortaine. Il y souligne le lien étroit entre les intuitions de Montfort et le document conciliaire Lumen Gentium, et demande de maintenir vivante chez les chrétiens la confiance dans les soins maternels de Marie.

Jadis, par respect pour elle, on plaçait volontiers Marie dans les hauteurs du ciel. On soulignait ainsi la différence entre elle et le monde pécheur. C’était comme si sa place était davantage près Dieu que près des hommes. Grâce à une relecture attentive des données bibliques, Vatican II l’a placée au milieu du peuple de Dieu: elle n’est pas seulement un membre éminent de l’Église, mais elle chemine aussi avec les hommes en route vers le ciel nouveau et la terre nouvelle. “Son amour maternel la rend attentive aux frères et sœurs de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse” (LG 62).

Le terme ‘prédestinés’
De la même manière, Montfort place Marie dans le peuple de Dieu, l’Église vivante. Pour l’exprimer, il se rattache au remarquable livre biblique de l’Ecclésiastique, appelé aujourd’hui  Livre de Ben Sira, un écrivain juif du deuxième siècle avant Jésus Christ. Il voulait encourager ses coreligionnaires et il en avait toutes les raisons. En effet, le peuple juif était menacé de ne plus survivre. Pas seulement parce que le pays était occupé depuis longtemps par les Syriens, mais surtout parce que le nouveau roi avait érigé sur l’esplanade du temple à Jérusalem une grande statue en l’honneur de Zeus et empêchait tout autre culte. C’était, pour le petit reste des croyants, comme si l’œuvre de Dieu avec le peuple juif allait définitivement vers sa fin. L’auteur continue cependant à croire que Dieu poursuivra l’œuvre qu’il a commencée et que, comme autrefois, il continuera à s’appuyer sur quelques-uns. Il reprend pour cela le terme ‘peuple élu’ et l’appelle tantôt ‘Jacob’, tantôt ‘Israël’.

Pour expliquer le rôle de Marie au milieu de ces pauvres ‘élus’ de Dieu, Montfort puise quelques phrases du livre de l’Ecclésiastique. Je traduis le terme ‘prédestinés’ par l’expression très significative ‘mes sympathisants’ ou ‘mes amis’.

"C’est là ta place "
Notre auteur fait dire par Dieu le Père ces paroles à Marie: “ Demeure en Jacob. C’est là – au milieu de mes ‘prédestinés’, mes sympathisants, mes amis qu’est ta place; sois pour eux une vraie mère (VD 29-30). "

Et Dieu le Fils dit à Marie: « Israël sera ton héritage.  Reçois le peuple de Dieu comme héritage, il devient ta propriété. Sois en responsable: « Comme une bonne mère, tu les enfanteras, nourriras, élèveras; et, comme leur souveraine, tu les conduiras, gouverneras et défendras » (VD 31).

Dieu le Saint-Esprit à son tour lui dit: Jette tes racines dans mes élus ”… Sois active en eux. “Laisse toutes tes vertus prendre racine dans mes ‘amis’ pour les faire croître de vertu en vertu et de grâce en grâce…Donne-moi la joie de retrouver en eux les racines de ta foi invincible, de ton humilité profonde, de ta mortification universelle, de ton oraison sublime, de ta charité ardente et de toutes tes autres vertus…” (VD 34).

“…Quand Marie a jeté ses racines dans un âme, elle y produit des merveilles de grâce
qu’elle seule peut produire.” (VD 35). “…
Quand le Saint-Esprit, son Époux, l’a trouvée dans une âme, il y vole,
il y entre pleinement, il se communique à cette âme abondamment” (VD 36).

En guise de conclusion
D’après Montfort, il ne peut en être autrement : Marie a reçu un  grand pouvoir sur les ‘amis’ de Dieu et, comme en témoigne l’histoire, elle a pris son rôle à cœur (VD 37- 48).
Le prochain article parlera de Marie dans l’accomplissement de l’œuvre de Dieu (VD 49-59).
Père Frans Fabry, directeur
Note:
Les chiffres entre parenthèses renvoient aux numéros de la Vraie Dévotion (VD) et du document conciliaire  Lumen Gentium (LG).

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