L'ignorance a tellement impressionné Montfort, qu'il perd de vue ses lecteurs et que - dans un émouvante prière à Jésus - il se plaint du fait que beaucoup de responsables de la catéchèse ignorent le 'lien nécessaire' qui existe entre Jésus et Marie. Il laisse parler son coeur et dit des choses qu'il aurait probablement formulées autrement en public, de manière moins vexante pour certains théologiens, mais elles sont écrites et n'emporte qui peut les lire. Sa plainte couvre plusieurs pages.
Ci-dessous vous pouvez lire ces numéros 63 - 67 dans 'La Vraie Dévotion':
63.
Je me tourne ici un moment vers vous, ô mon aimable Jésus, pour me plaidre
amoureusement à votre divine Majesté de ce que la plupart des chrétiens, même
des plus savants, ne savent pas la liaison nécessaire, qui est entre vous et
votre sainte Mère. Vous êtes, Seigneur, toujours avec Marie, et Marie est
toujours avec vous et ne peut être sans vous: autrement elle cesserait d'être
de qu'elle est; elle est tellement transformée en vous par la grâce qu'elle ne
vit plus, qu'elle n'est plus; c'est vous seul, mon Jésus, qui vivez et régnez
en elle, plus parfaitement qu'en tous les anges et les bienheureux. Ah! si on
connaissait la gloire et l'amour que vous recevez en cette admirable créature,
on aurait de vous et d'elle bien d'autres sentiments qu'on n'a pas. Elle [vous]
est si intimement liée, qu'on séparerait plutôt la lumière du soleil, la
chaleur du feu; je dis plus, on séparerait plutôt tous les anges et les saints
de vous, que la divine Marie: parce qu'elle vous aime plus ardemment et vous
glorifie plus parfaitement que toutes vos autres créatures ensemble.
64. Après cela, mon aimable Maître, n'est-ce pas une chose étonnante et
pitoyable de voir l'ignorance et les ténèbres de tous les hommes d'ici-bas à
l'égard de votre sainte Mère? Je ne parle pas tant des idolâtres et païens,
qui, ne vous connaissant pas, n'ont garde de la connaître; je ne parle même pas
des hérétiques et des schismatiques, qui n'ont garde d'être dévôts à votre
sainte Mère, s'étant séparés de vous et votre sainte Eglise; mais je parle des
chrétiens catholiques, et même des docteurs parmi les catholiques, qui faisant
profession d'enseigner aux autres les vérités, ne vous connaissent pas, ni
votre sainte Mère, si ce n'est d'une manière spéculative, sèche, stérile et
indifférente. Ces messieurs ne parlent que rarement de votre sainte Mère et de
la dévotion qu'on lui doit avoir parce qu'ils craignent, disent-ils, qu'on en
abuse, qu'on ne vous fasse injure en honorant trop votre sainte Mère. S'ils voient
ou entendent quelque dévôt à la Sainte Vierge parler souvent de la dévotion à
cette bonne Mère, d'une manière tendre, forte et persuasive, comme d'un moyen
assuré sans illusion, d'un chemin court sans danger, d'une voie immaculée sans
imperfections, et d'un secret merveilleux pour vous trouver et vous aimer
parfaitement, ils se récrient contre lui, et lui donnent mille fausses raisons
pour lui prouver qu'il ne faut pas tant parler de la Sainte Vierge , qu'il
y a beaucoup d'abus en cette dévotion, et qu'il faut s'appliquer à les
détruire, et à parler de vous plutôt qu'à porter les peuples à la dévotion à la Sainte Vierge qu'ils
aiment déjà assez.
On
les entend parfois parler de la dévotion à votre sainte Mère, non pas pour
l'établir et la persuader, mais pour en détruire les abus qu'on en fait, tandis
que ces messieurs sont sans piété et sans dévotion tendre pour vous, parce
qu'ils n'en ont pas pour Marie, regardant le Rosaire, le Scapulaire, le
Chapelet, comme des dévotions de femmelettes, propres aux ignorants, sans
lesquels on peut se sauver; et s'il tombe en leurs mains quelque dévôt à la Sainte Vierge , qui
récite son chapelet ou ait quelque autre pratique de dévotion envers elle, ils
lui changeront bientôt l'esprit et le coeur: au lieu du chapelet, ils lui
conseilleront de dire les sept psaumes; au lieu de la dévotion à la Sainte Vierge , ils
lui conseilleront la dévotion à Jésus-Christ.
O
mon aimable Jésus, ces gens ont-il votre esprit? Vous font-ils plaisir d'en
agir de même? Est-ce vous plaire que de ne pas faire tous ses efforts pour
plaire à votre Mère, de peur de vous déplaire? La dévotion à votre sainte Mère
empêche-t-elle la vôtre? Est-ce qu'elle s'attribue l'honneur qu'on lui rend?
Est-ce qu'elle fait bande à part? Est-elle une étrangère qui n'a aucune liaison
avec vous? Est-ce se séparer ou s'éloigner de votre amour que de se donner à
elle et de l'aimer?
65. Cependant, mon aimable Maître, la plupart des savants, pour punition de
leur orgueil, n'éloigneraient pas plus de la dévotion à votre sainte Mère, et
n'en donneraient pas plus d'indifférence, que si tout ce que je viens de dire
était vrai. Gardez-moi, Seigneur, gardez-moi de leurs sentiments et leurs
pratiques et me donnez quelque part aux sentiments de reconnaissance, d'estime,
de respect et d'amour que vous avez à l'égard de votre sainte Mère, afin que je
vous aime et glorifie d'autant plus que je vous imiterai et suivrai de plus
près.
66.
Comme si jusqu'ici je n'avais encore rien dit en l'honneur de votre sainte
Mère, faites-moi la grâce de la louer dignement: Fac me digne tuam Matrem
collaudare, malgré tous mes ennemis, qui sont les vôtres, et que je leur dise
hautement avec les saints: Non praesumat aliquis Deum se habere propitium qui
benedictam Matrem offensam habuerit: Que celui-là ne présume pas recevoir la
miséricorde de Dieu, qui offense sa sainte Mère.
67.
Pour obtenir de votre miséricorde une véritable dévotion à votre sainte Mère,
et pour l'inspirer à toute la terre, faites que je vous aime ardemment, et
recevez pour cela la prière embrasée que je vous fais avec saint Augustin et
vos véritables amis (tom. 9, operum meditat.):
"Tu
es Christus, pater meus sanctus, Deux meus pius, rex meus magnus, pastor meus
bonus, magister meus unus, adjutor meus optimus, dilectus meus pulcherrimus, panis
meus vivus, sacerdos meus in aeternum, dux meus ad patriam, lux mea vera,
dulcedo mea sancta, via mea recta, sapientia mea praeclara, simplicitas mea
pura, concordia mea pacifica, custodia mea tota, portio mea bona, salus mea
sempiterna...
"Christe
Jesu, amabilis Domine, cur amavi, quare concupivi in omni vita mea quidquam
praeter te Jesum Deum meum? Ubi eram quando tecum mente non eram? Jam ex hoc
nunc, omnia desideria mea, incalescite et effluite in Dominum Jesum; currite,
satis hactenus tardastis; properate quo pergitis; quaerite quem quaeritis.
Jesu, qui non amat te anathema sit; qui te non amat amaritudine repleatur... O
dulcis Jesu, te amet, in te delectetur, te admiretur omnis sensus bonus tuae
conveniens laudi. Deux cordis mei et pars mea, Christe Jesu, deficiat cor meum
spiritu suo, et vivas tu in me, et concalescat in spiritu meo vivus carbo
amoris tui, et excrescat in ignem perfectum; ardeat jugiter in ara cordis mei,
ferveat in medullis meis, flagret in absconditis animae meae; in die consummationis
meae consummatus inveniar apud te. Amen."
J'ai
voulu mettre en latin cette admirable oraison de saint Augustin, afin que les
personnes qui entendent le latin la disent tous les jours pour demander l'amour
de Jésus que nous cherchons par la divine Marie.
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